Lutte contre le VIH/sida : l’Onusida tire la sonnette d’alarme face à la baisse de financement

Mercredi 25 Juillet 2018 - 14:15

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L’augmentation de nouvelles infections à VIH dans cinquante pays environ, l’accroissement des décès liés à la maladie et la stagnation des moyens risquent d’enrayer les résultats, selon un nouveau rapport rendu public le 18 juillet, à Paris, par l’agence onusienne qui alerte sur la situation préoccupante dans laquelle se trouve la riposte mondiale à la pandémie.

Le rapport intitulé « Un long chemin reste à parcourir » met en garde face au fait que le rythme des progrès n’est pas à la hauteur de l’ambition mondiale. L’instance de l’ONU chargée de la lutte contre le sida dénonce notamment l’insuffisance des financements et le retard pris dans de nombreuses régions dans la lutte contre cette affection. Elle dénonce la hausse de nouvelles infections dans plusieurs pays, les décès liés au sida qui ne diminuent pas assez vite et la stagnation des moyens qui risquent d’enrayer les résultats.
« Il manque sept milliards de dollars par an, pour nous permettre de maintenir nos résultats », a déclaré le directeur exécutif de l’Onusida, Michel Sidibé. Dans ces conditions, l’organisme estime qu’il sera difficile d’atteindre les objectifs qu’il s’était fixés pour 2020.

« Des régions entières prennent du retard, les grands progrès que nous avons réalisés concernant les enfants ne sont pas pérennes, les femmes restent les plus touchées, les ressources ne sont toujours pas à la hauteur des engagements politiques et les populations clés continuent d’être laissées pour compte. Tous ces éléments freinent les progrès et il est urgent d’y faire face », a affirmé Michel Sidibé.

De fortes disparités régionales

Les nouvelles infections liées au VIH sont en augmentation dans une cinquantaine de pays et, à l’échelle mondiale, n’ont diminué que de 18% au cours des sept dernières années, passant de 2,2 millions en 2010 à 1,8 million en 2017.

Selon l’Onusida, la réduction du nombre des nouvelles infections par le VIH a été la plus forte dans la région la plus touchée par le virus, l’Afrique orientale et australe, où les nouvelles infections ont diminué de 30% depuis 2010. Mais c’est en Afrique de l’ouest, au Nigeria plus exactement, où se concentre plus de la moitié (51 %) de la charge de morbidité du VIH dans la région et peu de progrès ont été réalisés en matière de réduction des nouvelles infections à VIH ces dernières années.

Le rapport montre que les progrès réalisés en faveur des enfants ne sont pas pérennes. Les nouvelles infections par le VIH chez les enfants n’ont diminué que de 8% au cours des deux dernières années, seulement la moitié (52 %) des enfants vivant avec le VIH reçoit un traitement et cent dix mille enfants sont morts de maladies liées au sida en 2017. Bien qu’en 2017, 80% des femmes enceintes séropositives aient eu accès à une thérapie antirétrovirale pour prévenir la transmission du virus à leur enfant, cent quatre-vingt mille d'entre eux ont contracté le VIH pendant l’accouchement ou l’allaitement. « Un enfant nouvellement contaminé par le VIH ou un enfant qui meurt du sida, c’est encore trop », s’est indigné Michel Sidibé.
La population clé concentre également près de la moitié des nouvelles infections à VIH dans le monde et 97% des nouvelles infections à VIH en Europe de l’est et en Asie centrale, où un tiers des nouvelles infections à VIH concerne les utilisateurs de drogues injectables. « Le droit de chacun à la santé n’est pas négociable », a indiqué le directeur exécutif de l’Onusida. « Les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les prisonniers, les migrants, les réfugiés, les personnes transgenres sont plus touchés par le VIH mais sont encore exclus des programmes de lutte contre le VIH. Davantage d’investissements sont nécessaires pour atteindre ces populations clés », a-t-il ajouté.

L’expansion des traitements n’est toujours pas un acquis

La moitié des travailleurs du sexe au Lesotho, au Malawi, en Afrique du Sud et au Zimbabwe est séropositive. Le risque de contracter le VIH est treize fois plus élevé chez les travailleuses du sexe, vingt et sept fois plus élevé chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, vingt et trois fois plus élevé chez les utilisateurs de drogues injectables et douze fois plus élevé chez les femmes transgenres.

Conséquence du déploiement de la thérapie antirétrovirale, le nombre de décès liés au sida (940 000) est le plus bas jamais atteint au cours de ce siècle, après avoir chuté en dessous du million pour la première fois en 2016. Cependant, la régression n’est pas suffisamment rapide pour atteindre l’objectif de moins de cinq cent mille décès liés au sida d’ici à 2020.

En 2017, seulement 26% des enfants et 41% des adultes ont eu accès au traitement en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale, contre 59% des enfants et 66% des adultes en Afrique de l’est et en Afrique australe. Depuis 2010, le nombre de décès liés au sida a diminué de 24% en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale, contre 42% en Afrique de l’est et australe.
Autre source de préoccupation, la méconnaissance du statut sérologique. Par exemple, en Afrique de l’ouest et en Afrique centrale, seulement 48% des séropositifs connaissent leur statut.

Appel à la communauté internationale

Par ailleurs, si des progrès ont été accomplis dans le traitement et le dépistage du VIH chez les personnes atteintes de tuberculose, cette maladie reste cependant la principale cause de décès des personnes séropositives et pour trois personnes sur cinq qui commencent un traitement pour le VIH, la tuberculose ne fait pas l’objet de diagnostic ni de traitement.
Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, le financement a augmenté de 8% entre 2016 et 2017. Un total de 20,6 milliards de dollars étaient disponibles en 2017, soit 80 % de la cible pour 2020. Cependant, l’Onusida souligne qu’il « n’y a pas eu de nouveaux engagements significatifs de la part des bailleurs en 2017 » et craint des conséquences catastrophiques si les financements internationaux étaient amputés de 20%.

Pour le chef de l’Onusida, « il incombe aux dirigeants politiques, aux gouvernements nationaux et à la communauté internationale de faire les investissements financiers nécessaires et de créer les environnements juridiques et politiques permettant de déployer l’innovation à l’échelle mondiale». Michel Sidibé a conclu: « Cela permettra l’accélération dont nous avons besoin pour tenir les objectifs 2020 ».
 

Yvette Reine Nzaba

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