Lutte contre l'impunité : l'Union européenne invitée au maintien de ses sanctions contre quatorze personnalités congolaises

Lundi 2 Décembre 2019 - 14:51

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L'appel a été lancé par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), dans un communiqué rendu public le 29 novembre.

Quatorze personnalités congolaises sont sous sanctions de l'Union européenne (UE), dont sept depuis le 12 décembre 2016 et sept autres depuis le 29 mai 2017.

Près d’un an après l’alternance au sommet de la République démocratique du Congo (RDC), la FIDH déplore que la majorité de ces hauts responsables sous l’ère Kabila, sous sanctions européennes, soit restée à leurs postes ou dans la sphère politique et sécuritaire. « Aucune mesure judiciaire à leur encontre n’a été prise par les autorités congolaises, alors que certains sont soupçonnés d’être responsables de graves crimes. C’est pourquoi nos organisations demandent à l’Union européenne de maintenir et prolonger les mesures restrictives – qui arrivent à échéance le 12 décembre 2019 - contre quatorze hauts responsables, et demandent aux autorités congolaises de prendre des mesures judiciaires à leur encontre », indique la FIDH.

L'organisation relèvee que ces quatorze individus, dont les avoirs ont été gelés et interdits de visa pour l’UE depuis quelques années, continuent d'occuper des fonctions clefs dans l’appareil d’État, tout en jouissant d’une totale impunité pour les violations graves des droits humains dont ils sont présumés responsables et en raison desquelles l’UE a adopté des mesures restrictives à leur encontre.

« Chef d’État-major adjoint de l’armée, inspecteur général de l’armée, directeur des écoles de formations de la police, ou encore assistant principal du chef de l’État en matière de sécurité, ces individus demeurent en position d’influencer les orientations et mesures politiques et sécuritaires prises par les nouvelles autorités, que ce soit par leurs fonctions à la tête d’entités opérationnelles ou au sein d’instances politiques et législatives du pays », fait remarquer la FIDH.

Pas de caution à l'impunité

Dans le contexte actuel de transition politique en RDC, la levée précipitée des sanctions risque d’être interprétée comme une caution à l’impunité généralisée et comme un abandon du soutien aux victimes des répressions politiques sanglantes de l’ancien régime, soutient l'organisation. En outre, insiste Dismas Kitenge, président du Groupe Lotus, cette levée des sanctions affaiblirait grandement les pressions internationales à l’égard des autorités actuelles, qui visent à ce qu’elles s’engagent à instaurer un État de droit enfin respectueux des valeurs démocratiques.

Tant que les individus sanctionnés n’auront pas été écartés de fonctions influentes au sein des appareils politiques et sécuritaires, se convainc la FIDH, il est à craindre que des violences surgissent, notamment lors des élections locales qui devraient prochainement avoir lieu dans le pays, pendant que de fortes tensions communautaires continuent d’agiter certaines zones du pays.

Cité par la FIDH, Jean-Claude Katende de l'Asadho estime que « les sanctions ciblées doivent être maintenues. Pour qu’elles soient levées, il revient aux autorités congolaises de s’assurer que ces individus cessent d’exercer une influence dans la sphère politique congolaise, y compris par le biais de poursuites judiciaires à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir planifié, dirigé ou perpétré certains des principaux crimes de masse et violences des dernières années ».

Les quatorze personnalités sous sanctions de l'UE et les griefs retenus contre elles

Ilunga Kampete : en tant que commandant de la garde républicaine (GR), indique l'UE, Ilunga Kampete était responsable des unités de la GR déployées sur le terrain et impliquées dans le recours disproportionné à la force et à une répression violente en septembre 2016, à Kinshasa. À ce titre, il a donc contribué en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC.

Gabriel Amisi Kumba : ancien commandant de la première zone de défense de l'armée congolaise (Fardc), dont les forces ont participé au recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016 à Kinshasa. À ce titre, Gabriel Amisi Kumba a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC. En juillet 2018, il a été nommé chef d'état-major adjoint des Fardc chargé des opérations et du renseignement.

Ferdinand Ilunga Luyoyo : en tant que commandant de l'unité anti-émeute, appelée Légion nationale d'intervention, de la police nationale congolaise (PNC), Ferdinand Ilunga Luyoyo a été responsable du recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016, à Kinshasa. À ce titre, il a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC. En juillet 2017, il a été nommé commandant de l'unité chargée de la protection des institutions et des hautes personnalités au sein de la PNC.

Célestin Kanyama : en tant que commissaire de la PNC, Célestin Kanyama a été responsable du recours disproportionné à la force et à la répression violente en septembre 2016, à Kinshasa. À ce titre, il a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC. En juillet 2017, il a été nommé directeur général des écoles de formation de la police nationale.

John Numbi : ancien inspecteur général de la PNC, John Numbi a notamment été impliqué dans la campagne d'intimidation violente menée dans le cadre des élections des gouverneurs de mars 2016, dans les quatre provinces de l'ex-Katanga et, à ce titre, est responsable d'avoir fait obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d'élections en RDC. En juillet 2018, il a été nommé inspecteur général des Fardc.

Roger Kibelisa : en tant que chef du département de la sécurité intérieure de l'Agence nationale de renseignements (ANR), Roger Kibelisa a participé à la campagne d'intimidation menée par des fonctionnaires de l'ANR contre des membres de l'opposition, y compris des arrestations et des détentions arbitraires. Il a donc porté atteinte à l'état de droit et fait obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d'élections en RDC.

Delphin Kaimbi : ancien chef du service du renseignement militaire, faisant partie du centre national d'opérations, la structure de commandement et de contrôle responsable des arrestations arbitraires et de la violente répression à Kinshasa en septembre 2016, et responsable des forces qui ont participé à l'intimidation et aux arrestations arbitraires, qui fait obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d'élections en RDC. En juillet 2018, Delphin Kaimbi a été nommé sous-chef d'état-major au sein de l'état-major général des Fardc, chargé des renseignements.

Evariste Boshab, ancien vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur et de la sécurité : En sa qualité de vice-Premier ministre et ministre de l'intérieur et de la sécurité de décembre 2014 à décembre 2016, Evariste Boshab était officiellement responsable des services de police et de sécurité ainsi que de la coordination du travail des gouverneurs provinciaux. À ce titre, il s'est rendu responsable de l'arrestation de militants et de membres de l'opposition, ainsi que d'un recours disproportionné à la force, notamment entre septembre 2016 et décembre 2016, en réponse à des manifestations organisées à Kinshasa, pendant lesquelles de nombreux civils ont été tués ou blessés par les services de sécurité. Evariste Boshab a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC.

Alex Kande Mupompa, ancien gouverneur du Kasaï central : En tant que gouverneur du Kasaï central jusqu'en octobre 2017, Alex Kande Mupompa a été responsable du recours disproportionné à la force, de la répression violente et des exécutions extrajudiciaires qui ont été le fait des forces de sécurité et de la PNC au Kasaï central à partir d'août 2016, y compris les assassinats commis dans le territoire de Dibaya, en février 2017. Alex Kande Mupompa a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC.

Jean-Claude Kazembe Musonda, ancien gouverneur du Haut-Katanga : En tant que gouverneur du Haut-Katanga jusqu'en avril 2017, Jean-Claude Kazembe Musonda a été responsable du recours disproportionné à la force et de la répression violente qu'ont exercé les forces de sécurité et la PNC dans le Haut-Katanga, notamment entre le 15 et le 31 décembre 2016, période pendant laquelle 12 civils ont été tués et 64 blessés en raison d'un usage de la force létale par les forces de sécurité, notamment des agents de la PNC, en réponse à des protestations à Lubumbashi. Jean-Claude Kazembe Musonda a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC.

Lambert Mende, ministre des communications et des médias, et porte-parole du gouvernement : En tant que ministre des communications et des médias depuis 2008, Lambert Mende est responsable d'une politique répressive menée envers les médias, qui viole le droit à la liberté d'expression et d'information et compromet une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue d'élections en RDC. Le 12 novembre 2016, il a adopté un décret limitant la possibilité pour des médias étrangers de diffuser en RDC. En violation de l'accord politique conclu le 31 décembre 2016 entre la majorité présidentielle et les partis d'opposition, en octobre 2018 la diffusion d'un certain nombre de médias n'avait toujours pas repris. En sa qualité de ministre des communications et des médias, Lambert Mende est donc responsable d'avoir fait obstacle à une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue d'élections en RDC, notamment par des actes de répression.

Général de brigade Éric Ruhorimbere, commandant adjoint de la 21e région militaire (Mbuji-Mayi) : En tant que commandant adjoint de la 21e région militaire de septembre 2014 jusqu'en juillet 2018, Éric Ruhorimbere s'est rendu responsable du recours disproportionné à la force et des exécutions extrajudiciaires perpétrées par les FARDC, notamment contre les milices Nsapu, ainsi que des femmes et des enfants. Éric Ruhorimbere a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC. En juillet 2018, Éric Ruhorimbere a été nommé commandant du secteur opérationnel du Nord Équateur.

Ramazani Shadary, ancien vice-Premier ministre et ministre de l'intérieur et de la sécurité : Dans ses fonctions de vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur et de la sécurité jusqu'en février 2018, Ramazani Shadary a été officiellement responsable des services de police et de sécurité ainsi que de la coordination du travail des gouverneurs provinciaux. À ce titre, il a été responsable de l'arrestation d'activistes et de membres de l'opposition, ainsi que de l'usage disproportionné de la force, tels que les mesures de répression violente prises contre des membres du mouvement Bundu Dia Kongo au Kongo central, la répression à Kinshasa en janvier et février 2017 et le recours disproportionné à la force et à la répression violente dans les provinces du Kasaï. À ce titre, Ramazani Shadary a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l'homme en RDC. Ramazani Shadary a été désigné en février 2018 secrétaire permanent du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement .

Kalev Mutond, ancien directeur (officiellement administrateur général) de l'ANR : Kalev Mutondo est impliqué dans l'arrestation arbitraire et la détention de membres de l'opposition, de militants de la société civile et d'autres personnes, ainsi que dans les mauvais traitements qui leur ont été infligés, et en porte la responsabilité. Par conséquent, il a porté atteinte à l'état de droit, fait obstacle à une solution consensuelle et pacifique en vue de la tenue d'élections en RDC, et planifié ou dirigé des actes qui constituent de graves violations des droits de l'homme en RDC.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Le siège de la commission européenne à Bruxelles Crédit photo DR

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