Madingou-2016 : alors, on dit quoi ?

Jeudi 25 Août 2016 - 17:30

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Les flonflons de la fête de l’indépendance ne sont plus qu’un souvenir. L’affluence du 15 août s’est résorbée : que dit l’homme de la rue à Madingou et dans la Vallée ?

J’ai choisi de me rendre à Madingou, une fois la fête de l’indépendance passée. Les caméras de télévision sont repliées, le ballet des véhicules des VIP n’est plus qu’un souvenir. Alors que retient-ont dans la Vallée qui ne soit pas paroles convenues ou  propos de circonstance ? C’est ce que j’ai voulu vérifier par moi-même à bord d’un taxi des plus banals, cabossé mais au moteur ronronnant suffisamment et régulièrement  pour faire ses deux allers-retours journaliers sur Nkayi ou Dolisie.

Par chance le chauffeur, la trentaine pas plus, est un de ces gars qu’affectionnent les journalistes : bavard à souhait, ayant réponse à tout et prévenant au point de me faire faire le tour de sa ville, tout gonflé d’orgueil, sans que je lui ait dit quoi que ce soit. « Grand : ici, la fête est finie mais elle n’est pas finie ». Tiens ! C’est quoi ce parler énigmatique ? « Très simple : moi je dis à mes copains qu’il nous faut maintenant organiser notre propre défilé des taximen. Tous seuls et sans fanfare. Avec seulement une banderole déployée et qui dirait : ‘Merci Tat’Sassou’ ».

Et d’expliquer : il y a seulement un an Madingou, c’était l’enfer des amortisseurs. Aller de Madingou-Poste à Madingou-Gare, soit pas plus d’une dizaine de kilomètres, c’était le slalom des plus risqués, l’effet tôle ondulée assurée. Les bosses de la piste infligeaient une réelle torture à qui voyageait en voiture. Et quand il pleuvait les orteils des marcheurs, aux cors endurcis, étaient mis à rude épreuve aussi par le risque de glissade sur cette terre argileuse peu encline à absorber rapidement l’eau, imperméable.

« Rien que pour nous avoir amené des routes goudronnées, moi je dis que le président Sassou doit être remercié. Sans  parler de la lumière, des immeubles même si nombreux sont inachevés », glisse-t-il un brin espiègle. « Pendant le défilé (c’est-à-dire avant et après le 15 août, faut-il préciser, car ‘le défilé’ pour lui veut dire la fête !) ; pendant le défilé, moi j’ai eu l’impression de vivre dans un autre monde. Je ne savais pas que de mon vivant je verrais même des présidents étrangers dans cette ville ; que mon lycée serait rénové à neuf ; qu’un hôpital allait soigner gratuitement les mamans sans avoir à sortir les 1000 Frs habituels de la bière de l’infirmier. Moi, je le dis tout ouvertement : Madingou fait maintenant partie du Congo. Et il faut que ça dure ! ».

Ce chauffeur de taxi me conduit visiter le stade rutilant neuf. Il soupire et m’annonce sa peur : « Que nous soyons comme les gens de Sibiti ». Ah ! Oui, dis-je un peu piqué au vif car, par certains côtés, Sibiti est aussi ma fierté à moi. « Ne sois pas offensé, grand. Ce qui est arrivé à Sibiti, c’est que grâce à la municipalisation accélérée, ils ont obtenu là-bas un beau stade. Mais, vous savez quoi : d’après ce qu’on me dit, l’herbe a repoussé au stade par manque de matches ».

Je suis un peu rassuré par cette explication car ce type de problèmes peut se résoudre sans profusion de millions. Et je suggère : « Pourquoi, toi, tu n’organiserais pas un tournoi de football opposant les équipes des villes ayant obtenu des stades neufs ? ». Ça le fait rigoler tout doucement alors qu’il me mène voir le nouvel hôtel de police, les douanes, la préfecture, la poste tout en conduisant parfois d’une main et en répondant à son téléphone qui ne cesse de sonner : « Je vais te rappeler, je suis avec un grand qui visite Madingou… Oui, oui, je suis à Madingou. Je serai ce soir à Nkayi ».

Il m’explique aussi que même cette simple phrase est un exploit que Madingou doit à la municipalisation accélérée. Non que les liaisons aient manqué entre Madingou et Nkayi auparavant, mais la différence maintenant est qu’on peut même envisager d’aller dormir à Dolisie et de venir travailler le lendemain à Madingou tellement la route, bitumée, est belle. Pour finir, il me raconte que l’autre jour il a dû ramener chez lui « un vieux papa ». En se tordant les côtes de contentement, il m’explique que le vieillard ne retrouvait plus la rue de sa maison tellement le bitume a effacé les repères habituels dans Madingou devenue « une-ville-au-goudron ».

Récit véridique à suivre dans la prochaine édition pour lire les retombées de la municipalisation accélérée à Nkayi.

Lucien Mpama

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