Médias : le numérique va-t-il court-circuiter les journalistes ?

Vendredi 5 Mai 2017 - 15:00

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La question fait débat depuis l’avènement du web 2.0. Faudrait-il, toutefois, tenter d’y apporter des réponses nécessaires dans un contexte où plusieurs journalistes réfutent encore l’impératif de réinventer le métier, innover et trouver de nouveaux atouts pour se différencier et valoriser l’information produite. 

Le 3 mai dernier, le monde a célébré la journée internationale de la presse. Quoique la thématique officielle portait sur « le rôle des médias dans la promotion des sociétés pacifiques, justes et inclusives », n’est pas directement associée à la question posée par cet article, il convient de relancer le sujet à l’heure où le métier du journalisme est de plus en plus spolié par des citoyens et consommateurs qui deviennent eux-mêmes producteurs de contenus.

Le Web 2.0 se définit comme un ensemble des techniques, fonctionnalités, et usages du web qui permettent aux internautes de contribuer à l’échange d’informations et d’interagir (partager, échanger, etc.) de façon simple, à créer de nouveaux « diffuseurs » de l’information. Désormais chacun peut informer et devenir un média. À l’aide de tablettes et smartphones et grâce à des plateformes communautaires à l’instar des réseaux sociaux, blogs, YouTube, Postcad, l’information en ligne se développe rapidement. Et l’on parle ainsi du journalisme 2.0. 

La question à se poser est celle de savoir si le « journalisme 2.0 », qui se consolide sur une veille de l’information appuyée sur les sources et ressources numériques, une écriture multimédia combinant texte, son, image et liens et une interrelation en continu avec le public, est réellement pris en compte par des professionnels. Au Congo, pour contextualiser le sujet, la vague sur ce mouvement est encore très faible. 

Pour s’en convaincre, il suffit de noter le nombre, très faible, de médias classiques qui interagissent avec le web. Le nombre de journalistes animant des blogs ou encore des médias dotés de service de « community management » indispensables dans l’interrelation en continu avec le public. Même si quelques médias en ligne naissent ces dernières années, la pratique du journalisme 2.0 est encore précaire alors qu’elle représente une opportunité considérable de développement et de réinvention de ce secteur afin de séduire les lecteurs, et en particulier les nouvelles générations.

Se conformer et éviter de se faire court-circuiter

Il n’est plus possible d’ignorer les apports d’un citoyen coproducteur de l’information. Si le professionnel doit être premier à diffuser l’information, il doit cependant saisir les contours du web et les outils nécessaires quels que soient les supports. Désormais, chacun a son média personnel, son blog, sa télévision sur YouTube. En plus, il est démontré aujourd’hui que les réseaux sociaux permettent maintenant d’appréhender directement le journaliste. Face à l’ampleur du phénomène, les journalistes se retrouvent contraints de prendre en compte l’avis du public et de dialoguer avec lui. L’interactivité devient un impératif. Au Congo, elle a démontré comment plusieurs débordements (intox, désinformations etc.) sur Internet n’ont pas pu été recadrés à temps, à cause d’une infime présence de la presse congolaise, et surtout professionnelle, sur le web. Le combat est désormais ouvert entre des « citoyens diffuseurs » de l’info et des journalistes en quête d’une actualité creusée et vérifiée.

Les prochaines assises de la presse nationale devraient prendre en compte cette dimension du métier. Le développement de l’Internet et l’excellente couverture sont un atout considérable. Même si des lois importantes pour consolider l’écosystème des TIC sont encore en attente, plus la cherté de l’Internet, la formation des journalistes et le soutien des médias aux politiques digitales devraient être au centre des reflexions. Au-delà des aspects techniques, la formation ne sera pas seulement éthique et déontologique dans le contexte d’un nouveau code lié au métier avec le numérique, mais également économique. Le journalisme 2.0 qui se repose essentiellement sur Internet ou tout ou presque est gratuit, appelle, en effet, un nouvel écosystème de management. Surtout que la presse écrite est confrontée depuis une dizaine d’années à une crise qui l’oblige à repenser son modèle industriel et économique.

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Avec une tablette et un smartphone et internet, des citoyens spolient le métier du journaliste et deviennent diffuseurs de l'information

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