Migrations

Ce qui vient de se passer en mer Méditerranée avec la nouvelle errance du navire Aquarius chargé de migrants et l'accord a minima conclu entre cinq pays européens pour les accueillir n'est que le début d'un processus qui s'amplifiera dans les mois à venir et qui forcera la vieille Europe à regarder enfin la vérité en face. La vérité, c'est-à-dire le fait qu'elle est pour une très large part responsable des drames qui se jouent à sa porte et dont elle ne pourra se protéger qu'en aidant les nations du Sud à créer très vite chez elles les emplois, la sécurité, la protection sociale sans lesquels le phénomène migratoire ne peut que s'amplifier.

Si, en effet, les pays européens n'avaient pas pillé les ressources naturelles de l'Afrique tout au long des siècles précédents sans se préoccuper du sort des populations concernées, s'ils avaient aidé les gouvernements africains à se développer pour garantir à leurs populations une paix durable, s'ils s'étaient préoccupés au lendemain de l'accession de leurs colonies à l'indépendance, il y a près de soixante ans, à se doter d'institutions démocratiques fiables et s'ils s'étaient abstenus d'intervenir en Irak et en Libye comme ils l'ont fait de façon absurde au nom de principes démocratiques qu'ils foulent eux-mêmes allègrement au pied, le phénomène des migrations humaines que nous voyons s'amplifier aujourd'hui ne se serait pas produit.

Que l'Europe paie maintenant au prix fort son insconscience, son mépris des peuples asservis, son incapacité à prévoir l'inévitable n'a rien de surprenant ni même de choquant. Que cela lui plaise ou non, qu'elle le veuille ou pas, il va lui falloir proposer et mettre en place l'équivalent de ce que fut pour elle le Plan Marshall au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Si elle ne le fait pas rapidement, très rapidement même, la vague humaine qui dresse aujourd'hui ses Etats membres les uns contre les autres et qui menace de ce fait sa stabilité intérieure s'amplifiera au point de provoquer l'implosion de l'Union qu'elle a eu tant de mal à construire ces dernières décennies.

La leçon que portent en elles les errances successives de l'Aquarius est bien le fait que l'Europe joue dans le moment présent sa propre existence. Mieux vaut pour elle ne pas se tromper dans l'analyse d'un mouvement migratoire qui menace désormais de la submerger.