Migrations : Pas de preuve d’une infiltration djihadiste parmi les clandestins en Italie

Jeudi 29 Janvier 2015 - 16:34

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Malgré une forte pression migratoire, les autorités sécuritaires affirment que l’Italie ne compte pas de futurs candidats à la guerre religieuse dans les flux.

L’heure est à la vigilance accrue partout. Les attaques djihadistes de ces dernières semaines ont littéralement mis les services de sécurité occidentaux sur les dents. Attaques au parlement canadien ; attaque en Australie, en Belgique et, surtout, contre les locaux et l’équipe de Charlie Hebdo à Paris en France, ont installé un climat d’extrême méfiance. D’autant que dans le même temps, les principaux mouvements islamistes dans le monde multiplient attaques, rapts et décapitations de l’Irak au Nigeria, de la Syrie aux Philippines.

Or, dans ce même temps aussi l’Italie, pays aux flancs bordés de mers, ne compte plus les vagues d’arrivants de clandestins. Et ces migrants proviennent pour la plupart de ces pays où sévissent les djihadistes comme terrains d’opération ou terreau d’origine. De là à ce qu’il y ait des infiltrés dans les clandestins secourus en mer Méditerranée ou débarquant au port emblématique sicilien de Lampedusa, il n’y a qu’un pas. Un mouvement comme la Ligue du Nord, xénophobe et anti-immigrés, a franchi et n’y va pas avec le dos de la cuiller.

Hier, il n’hésitait déjà pas à agiter le chiffon du virus Ebola, affirmant que les nouveaux arrivants immigrés étaient tous porteurs de virus. Aujourd’hui (qu’aucun cas n’a encore pu être décelé par cette ‘filière’) la Ligue du Nord repart à l’attaque, si l’on peut dire. Dans les rangs des migrants pourrait bien se glisser un futur candidat au djihad, soutient-elle. Mais cette hypothèse n’est pas tout à fait écartée par les services de sécurité. La question a été posée mercredi au Parlement, au vice-ministre du ministère des Affaires étrangères délégué à la sécurité, Marco Minniti.

« Il y a des rapports possibles entre les organisations terroristes et les trafiquants d’êtres humain, mais à ce jour nous n’avons pas encore mis en évidence que ces trafics aient été organisés par des organisations terroristes. Il y a une connexion possible, mais nous sommes attentifs à ne pas transformer les organisations terroristes en un tout », a-t-il répondu. Il a toutefois reconnu : « il est évident que les flux migratoires peuvent être utilisés pour infiltrer des terroristes qui repartiraient sur le terrain comme ‘foreign fighters’. Sur ce point, nous maintenons la plus extrême des vigilances. C’est un canal possible d’infiltration, mais il n’y a pas encore de signe spécifique nous indiquant que cela est en train de se réaliser », a soutenu M. Minniti.

Les ‘foreign fighters’, littéralement combattants étrangers, sont aujourd’hui la hantise de l’Occident. Il s’agit des enfants nés en Occident ou fils (ou filles) de deuxième immigration, parfaitement intégrés, qui ressentent le besoin soudain de retourner sur le terrain, en Syrie ou en Irak comme hier en Afghanistan, pour aller faire le coup de feu au nom de l’islam. Ou, pire, pour se transformer en ‘loups solitaires’ : sous l’emprise subite d’une radicalisation religieuse, ils retournent leur haine contre les nations qui les ont vus naître au nom de la religion. Certains ne fréquentaient même plus la mosquée.

C’est ce qui s’est produit au Canada, en Belgique, en Grande-Bretagne et plus spectaculairement en France. De jeunes Français issus de l’immigration se sont révélés subitement de véritables bombes vivantes agissant seuls, avec un minimum de liens et de références à ce que l’on nomme aujourd’hui les centrales terroristes, pout tuer au nom de Dieu et « venger le prophète ». L’extrémiste qui exhibait récemment les têtes d’Occidentaux fraîchement décapités en Syrie serait un jeune britannique parfaitement intégré et qui a subitement embrassé la cause de l’islam radical.

Comme lui, ils seraient des miliers accourus du Canada, de Belgique, de France, d’Italie ou même du Japon pour s’enrôler dans l’organisation de l’Etat islamique, en Irak ou en Syrie. Certains ont d'ailleurs ostensiblement brûlé leurs passeports britannique, français ou belge. « Nous avons deux principaux flux (migratoires) vers l’Europe : celui qui provient d’Afrique et aboutit à la Libye avant de transiter par l’Italie ; et nous avons la route balcano-anatolienne . Le premier est maritime comme la seconde privilégie le passage par la voie terrestre. Parfois les deux se croisent, mais jusqu’ici, il s’agit de flux gérés par les trafiquants d’êtres humains », pas les réseaux islamiques, soutient encore Marco Minniti.

Pour lui, avec la fin de l’opération italienne de Mare Nostrum, qui consistait à ‘intercepter’ (ou secourir) les bateaux de clandestins en mer, l’Italie n’exerce plus de fait une sorte de filtrage parmi les clandestins avant d’atteindre terre. Cette opération, coûteuse, a désormais fait place à l’opération Triton de l’Union européenne, plus soucieuse de lutte contre l’immigration, et peu de secours (qui suppose un contact avec les clandestins pour mieux les connaitre). M. Minniti a admis que les centres de rétention des clandestins peuvent constituer des points de recrutement des djihadistes, mais les faits n’ont pas jusqu’ici permis de soutenir une  hypothèse qui reste à ce jour « purement théorique ».

Lucien Mpama