Minerais de sang : l’Union européenne s’engage un peu plus

Vendredi 17 Juin 2016 - 15:22

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Un an de négociations aboutit à une législation plus contraignante pour les  importateurs des minerais précieux qui alimentent les guerres, surtout en RDC.

« C’est notre victoire ! Sans polémique, on doit reconnaître que cet aboutissement est le fruit de l’engagement des socialistes et démocrates du Parlement européen ! ». L’Italien Gianni Pitella, membre du Parti démocratique (PD), le parti du Premier ministre, Matteo Renzi, et président du groupe socialiste au Parlement européen, revendique pour son camp la paternité claire de la mesure prise par l’Union européenne sur les minerais stratégiques. Leur exploitation, souvent illégale, contribue à entretenir les violences dans des pays comme la République démocratique du Congo.

A Bruxelles jeudi, les différentes institutions de l'Union européenne, ont donc conclu un an d’âpres négociations sur ce qu’on désigne désormais sous le vocable de « minerais de sang ». Elles ont adopté des mesures plus contraignantes pour les entreprises importatrices de tels minerais et qui se trouvent au début de la chaîne de production, y compris les fonderies et les raffineries. Seules sont exemptées les entreprises traitant sur de faibles volumes. Il est désormais fait obligation de s’assurer que les produits que les sociétés acquièrent ou retraitent n’alimentent pas les guerres dans les zones d’exploitation première.

L’Eurodéputé italien, Gianni Pitella, voit dans cette décision l’aboutissement de tout un combat, d’abord personnel, lui qui s’est rendu plusieurs fois avec des collègues en République Démocratique du Congo en mission d’alerte. Avec ses amis socialistes européens, il tentait de faire admettre depuis deux ans la traçabilité des minerais pour contribuer à éteindre les guerres ou conflits de basse intensité, mais constants, dans les zones d’exploitation.

« Nous pouvons dire avec orgueil et émotion que nous avons contribué à réguler le Far-West tragique qui régnait sur l’exploitation des minerais de sang. Nous avons commencé à briser la chaîne qui les lie aux violences atroces des bandes armées et criminelles », a-t-il exulté. Pour Pitella, si l’Occident veut « considérer l’Afrique comme une partenaire politique, (il faut commencer) par cesser de l’exploiter ». Il voit dans le rôle du Dr Denis Mukwege, le médecin congolais qui soigne les femmes victimes de viol et Prix Sakharov 2014, le modèle à suivre dans la mission d’éveilleurs des consciences.

Les minerais aujourd’hui visés par les mesures de l’Union européenne sont essentiellement exploités en RDC et dans la Région des Grands Lacs. Il s’agit du tungstène, de l’étain, du tantale et de l’or, tous indispensables à la production d'appareils devenus les attributs incontournables de la modernité tels les téléphones portables, les ordinateurs, les réfrigérateurs, les ampoules. La compétition entre les groupes armés pour sortir artisanalement et frauduleusement les minerais de terre est à la base de furieuses violences qui ne cessent pas malgré les appels et les mesures gouvernementaux ou de l’ONU.

« L'Union européenne s'engage à empêcher que le commerce international des minéraux ne finance les seigneurs de guerre, les criminels et ceux qui violent les droits de l'Homme », a déclaré Mme Lilianne Ploumen, ministre du Commerce extérieur des Pays-Bas, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union. « Les négociateurs du Parlement européen peuvent défendre, la tête haute, le chemin parcouru depuis les premières propositions de la Commission et du Conseil, qui défendaient tous deux l'idée angélique d'un caractère volontaire » de ces mesures, s'est félicitée, pour sa part, l’autre eurodéputée socialiste engagée sur ce terrain, Mme Marie Arena.

La résolution finale sur cet engagement de l’Union européenne est attendue dans les prochaines semaines. Mais d’ores et déjà beaucoup se félicitent qu’il soit devenu une contrainte et non un libre choix à la seule appréciation des Etats abritant les industries consommatrices des minerais de sang. De puissants lobbies s’étaient mis en mouvement pour tenter de créditer l’idée que les fameux seigneurs de  guerre, chefs de milices ou de bandes armées, étaient seuls responsables des conflits chez eux, les fabricants de téléphone et d’ordinateurs n’étant que de simples acheteurs.

Lucien Mpama

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