Mode : Fanny Mandina, styliste visionnaire

Samedi 22 Novembre 2014 - 13:45

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C’est dans l’un des salons de l’Hôtel du fleuve que Fanny Mandinga nous reçoit. Née le 02 avril au début des années 1980 à Kinshasa où elle a grandi, cinquième d’une famille de six enfants, Fanny a toujours été attirée par la mode et la couture dès son enfance. Très vite, elle s’est mise à confectionner des vêtements de poupées au point de devenir l’habilleuse officielle des poupées du quartier. Elle se rappelle sa première machine à coudre offerte par une tante. Elle avait à peine 7 ans.

Le monde de la mode kinois peuvent se targuer d’avoir en son sein une Fanny Mandina dont le professionnalisme n’est plus à prouver. Sa réussite, la jeune femme la doit aussi à ses parents « compréhensifs et adorables » selon ses propos, qui l’ont encouragée dans les études de coupe et couture malgré la réticence de ses enseignants. Nombre d’entre ceux-ci la voyaient en effet exceller dans les domaines comme le droit, la médecine au vu de son potentiel intellectuel. C’est convaincue de sa passion pour la mode qu'elle décide d’en faire une profession pour son bonheur personnel et à la grande satisfaction de ses parents.

« Si vous considérez les plus grandes richesses du monde, cinq sont dans l’industrie du textile »

Après son diplôme en modélisme à l’Institut supérieur des arts et métiers (ISAM) à Kinshasa où elle a été enseignante, la styliste modéliste s’est accordé le temps pour une nouvelle formation en administration et gestion des entreprises culturelles à l’Institut national des arts (INA). La créatrice vise à appréhender les mécanismes et les stratégies de le l’industrie culturelle. « Si vous considérez les plus grandes richesses du monde, cinq sont dans l’industrie du textile », lance-t-elle. D’où le rêve qu’elle entretient de voir se développer une vraie industrie du textile dans son pays, affirmant son optimisme, tout en restant consciente qu’il faut un cadre adéquat. Et l’une des balises posées pour la concrétisation de cette ambition est la création du « Collectif des stylistes congolais ». 

C’est a l’occasion du XIVeme sommet de la francophone qui s’est tenu à Kinshasa que cette association qui compte près de soixante créateurs de mode a effectué sa sortie officielle avec la présentation des collections de quelques-uns dont  Fanny Mandina, Carine Palla ou Okasol, le président dudit collectif. L’association se veut être une plate-forme nationale qui contribue à l’essor des créateurs locaux à travers des programmes de formation et des colloques. À travers elle, Fanny Mandina milite pour la préservation de l’identité vestimentaire de la femme congolaise moderne qui se caractérise par le port du wax. Une campagne annuelle couronne depuis l’an dernier une personnalité qui a su mettre en valeur le wax et le pagne. D’où la création du trophée « Liputa » (le pagne) dont le premier récipiendaire a été l’actuelle ministre du genre et de la famille.

Quand Fanny ne jure que sur le Wax...

Passionnée de l’art en général, la peinture, l’architecture et la sculpture sont de véritables sources d’inspirations pour la créatrice. Pour sa création, Fanny ne jure que sur le wax, une matière de prédilection pour de nombreux stylistes africain et qui offre beaucoup de possibilité de mélange. Loin d’être égoïste, la créatrice montre sa reconnaissante à tous les corps des métiers qui agissent dans la mode, en faisant appel à des accessoiristes quand le besoin se fait sentir. Une manière supplémentaire  de donner de la valeur à toute la chaîne de cette industrie qu’elle affectionne tant.

Localement, Fanny Mandina dénote une légère avancée en matière de visibilité de la mode même si le chemin est encore long, comme elle le reconnaît. Avec sa marque « Fanny Mandina Design », la créatrice a eu l’occasion de présenter ses collections à de nombreux évènements prestigieux de mode. Paris, Madrid, Johannesbourg où elle a participé à la fashion week ou enccore au Togo pour la biennale Bamati et au Congo au festival Molato na Brazza. Mais c’est à Kinshasa qu’elle a réalisé l’un de ses rêves en partageant le podium avec Gilles Touré surnommé le « Dior de l’Afrique » à l’occasion d’un show organisé par Vlisco.

À propos de sa marque, Fanny est fière de voir une bonne partie de la « classe » congolaise à Kinshasa s’offrir ses créations. Là encore, elle milite pour l’obtention des moyens qui facilitent également la production du prêt-à-porter pour ceux qui n’ont pas la possibilité de s’acheter de la haute couture. « Certains membres du collectif envisagent déjà de produire à grande échelle sans aucune subvention », dit-elle très optimiste.

Les contraintes à lever

Dans cette même visée, les stylistes du collectif comptent sur l’État pour faciliter l’importation de matériel, un vrai casse-pieds jusque-là. «Nous avons l’une des douanes les plus chères au monde. Comment voulez vous acheter une machine à 10.000 $ (5millions FCFA) et payer les taxes bien au- delà du prix d’achat ? Ce sont ces difficultés que nous souhaitions voir se résoudre. Nous avons sollicité une audience auprès du Premier ministre à cet effet et nous attendons. »  « Dans ces conditions, avance-t-elle, il est très difficile pour nous créateurs locaux de devenir compétitifs face aux importations sauvages des vêtements qui rentrent des horizons divers. Et à ce niveau, notre douane est très poreuse car nous recevons même de la friperie venant des pays africains».

Les consignes de Fanny 

L’appui aux créateurs locaux est indispensable en ce sens qu’ils participeraient à l’émergence, pense Fanny. « Imaginez, des vêtements de qualité produits ici, des tee-shirts, des chemises, des jupes de toutes les tailles. L’argent resterait ici et on emploierait la main d’œuvre locale », déclare-elle. Ambitieuse vision pour ce bout de femme qui le reconnaît, mais restant convaincue qu’il est possible de bâtir dans son pays des empires financiers dans le domaine de la mode. «En Afrique de l’Ouest, ils produisent en surabondance et viennent nous le vendre ici, ce que je trouve déjà très bien. Pourquoi pas nous ? »

Fanny encourage toux ceux qui sentent cet appel pour la mode de se lancer sans hésiter car c’est un secteur qui est prometteur, et elle exhorte tous ceux qui le peuvent de préserver cette identité vestimentaire qui est propre à la RDC en consommant les créations des nationaux. Panafricaine de surcroît, la styliste kinoise invite tous les fils du continent à l’unité « Arrêtons de nous entretuer. Il est grand temps que l’Afrique devienne le continent du futur, qui a toujours nourri les autres continents et qui doit nous nourrir, nous Africains, comme il faut ». 

Myriam Esther