Mort de Body Isek Kingelez, maquettiste de l’imaginaire

Samedi 28 Mars 2015 - 11:02

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

L’artiste congolais Body Isek Kingelez est décédé, le 14 mars dernier à Kinshasa, à l'âge de 67 ans.

Body Isek Kingelez rêvait ses villes et en créait les maquettes. Né en 1948 à Kimbele-Ilhunga au Congo, il arrive à Kinshasa au début des années 1970 et se forme, seul, à différentes techniques d’assemblage. Parallèlement, il fait ses armes en enseignant dans une école secondaire. En 1979, il réalise une maquette qui attire l’attention du directeur du Musée de Kinshasa. André Magnin, marchand d’art et commissaire d’exposition, présenta son travail dans le cadre de l’exposition Magiciens de la Terre à Paris en 2002. Il raconte l’anecdote au quotidien Le Monde : « Le musée au début n’avait pas cru qu’une telle œuvre pouvait être de lui. On lui a dit de rester là, le temps d’en fabriquer une autre, pour prouver qu’il en était bien l’auteur. Au bout du compte, on l’a engagé comme restaurateur du musée. »

Isek Kingelez travaille ainsi jusqu’en 1985 puis se consacre entièrement à son art, qu’il qualifie «d’Architecture Maquettique». Il crée des cités utopiques avec du carton, des plumes, du coton, du bois, des canettes de bières et autres sodas, des villes colorées, mélangées… et désertes. Des villes futuristes qu’il réalise en pensant à Kinshasa, métropole chaotique, en pleine mutation démographique et esthétique.

Kingelez imagine, observe et anticipe le développement urbain de ses cités et donne une image futuriste et visionnaire de la mégalopole africaine dont il rêve. Autant politique qu’artiste, du moins engagé, Kingelez qualifiait ses œuvres d’«Extrêmes maquettes», expliquant que son travail «porte en lui le sacrifice qui offre l’espoir d’un futur meilleur, d’une vie meilleure» (Home and the world: architectural sculpture by two contemporary African artists : Aboudramane and Bodys Isek Kingelez, d’Ismaïl Serageldin). Kingelez croyait en ses villes dépeuplées et autonomes. . «Il pouvait en parler sans discontinuer pendant des heures, inventant les mots comme les architectures, en jonglant entre le français et le lingala. », témoigne André Magnin.

Dans son manifeste The Art of the Model : An Erudite Art, Kingelez raconte son approche : «Je fais ce travail le plus imaginaire, méticuleux et bien considéré possible dans le but d’avoir plus d’influence sur la vie. En tant qu’artiste noir, je dois servir d’exemple en recevant la lumière de l’art pur, cet instrument vital pour l’humanité, à allumer pour le bien de tous. Grâce à ma croyance profonde en un futur heureux, je m’efforce d’améliorer ma qualité pour que le meilleur devienne merveilleux. J’expose un mode d’expression qui me va comme un gant et démontre bien que je suis un autre artiste. »

Body Isek Kingelez laisse derrière lui plus de 300 œuvres.

 

 

Morgane de Capèle

Légendes et crédits photo : 

L'oeuvre de Body Isek Kingelez