Musique : l’éphémère gloire du coupé-décalé congolais

Jeudi 26 Novembre 2020 - 19:27

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A l’instar du hip-hop au cours de la décennie 90, le coupé-décalé congolais qui a marqué à jamais une génération tout entière se meurt sans mémorial. Retour sur l’aventure épique de ce genre musical en République du Congo.

Certains prétendent que c’est à travers le youssoumba ivoirien que le coupé-décalé a été créé, d’autres affirment que c’est du ndombolo congolais qu’il découle. L’opinion la plus répandue attribue cependant à Stéphane Doukouré, dit « Douk Saga »,  la paternité de la création de ce genre musical. C’est en effet à Paris, au début des années 2000, que Douk Saga met au point ce nouveau mode d’expression musicale, qui reprend à ses débuts les codes de la sape et les percussions du soukouss et du ndombolo congolais. Très vite, le coupé-décalé s’internationalise grâce aux DJ et gagne toute l’Afrique de l’Ouest avant de s’exporter en Afrique centrale.

La République du Congo n’échappe pas à cette vague déferlante et devient rapidement l’une des nations adoptives de ce genre musical. C’est en 2005 que le premier coupé-décalé congolais à succès est enregistré, une collaboration entre DJ Ez Mez et l’atalaku Jack Tabazo. Le succès est immédiat. Dès cet instant, de nombreux DJs se mettent au coupé-décalé. On compte parmi eux DJ Nono avec son célèbre « électro-kata tramontina », DJ Boogie Black, DJ Migo One et bien d’autres.

 Malgré la notoriété que prend le coupé-décalé à cette époque, il est encore considéré comme un genre musical de seconde zone et ne sera pas représenté à l’édition 2005 du Festival panafricain de musique, ce grand rendez-vous continental que le Congo abrite depuis sa création en 1996. Toutefois, dans les discothèques, les bars et les moyens de transport en commun, le coupé-décalé reste omniprésent et son succès incontestable. En 2007 paraît le titre « Zembe » de DJ Rama, une chanson qui révolutionnera à jamais le coupé-décalé congolais.

Au cours de cette même année, le Congo qui abrite l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations dans sa version Junior remporte la compétition. A cette occasion, de nombreux coupé-décalés dédiés aux diables rouges juniors vont contribuer au développement de cette discipline musicale au Congo. Partant de là, de nombreux artistes et titres à succès se succèdent. On compte parmi eux le Clan « Nuit à nuit » de Lionel Bas, DJ Sergino, Nzété Oussama et Dj H, Junior Vall, Youyou Mobangué de Brazza, Andoche, DJ Rox, DJ Mike, DJ Antivirus, etc. Il faudra attendre 2013 pour assister à la propagation virale du titre « Tsotsa » de l’artiste Epéla d’Azur, considéré comme le plus grand succès commercial dans l’histoire du coupé-décalé congolais. Dans la suite, DJ Migo one s'est démarqué avec son titre « Araignée », un autre succès phénoménal.

 Depuis lors, le coupé-décalé congolais, bien que marquant de temps en temps un sursaut d’éveil à la suite de la sortie de chansons telles que « Fumba muéla » de Kratos Virus a connu une perte de vitesse exponentielle face à la montée pourtant titubante de l’afrobeat, un genre musical nigérian vintage réactualisé. Ainsi se termine l’épopée du coupé-décalé au Congo qui, malgré des succès retentissants, a manqué d’établir des artistes référentiels et ténors en la matière, contrairement au scénario ivoirien de la même histoire. La question qu’il sied de se poser demeure celle de comprendre les raisons qui expliqueraient l’éphémère succès tant des artistes que de leurs arts respectifs au Congo, notamment dans la culture urbaine. S’agirait-il d’une malédiction ou encore d’un manque de politiques efficaces visant à promouvoir la culture en République du Congo ? Les avis demeurent divergents sur la question.

 

Sasha Kitadi

Légendes et crédits photo : 

Du haut en bas, le clan F.R.M, Dj Nzete Oussama, Dj Rama, Dj Migo One

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