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Ne point trop en faire ...

Samedi 22 Juillet 2017 - 13:25

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De la même façon que  le président des Etats-Unis, Donald Trump, a commis une lourde erreur en forçant plusieurs hauts fonctionnaires de la puissante administration américaine à démissionner dès son arrivée à la Maison Blanche, de la même façon le nouveau chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, s'est fourvoyé  de façon spectaculaire en amenant le chef d'Etat-major des armées, le général Pierre de Villiers, à quitter son poste pour avoir formulé dans le cadre très légal de la Commission de la défense de l'Assemblée nationale des mises en garde aussi avisées que prudentes.  Loin de répondre aux attentes de la "grande muette" qui vit des moments difficiles en raison de l'ampleur des missions qui lui sont assignées et des moyens de plus en plus réduits qui lui sont apportés pour les mener à bien, il a, comme on dit, jeté de l'eau sur un feu qui couvait depuis plusieurs années et, ce faisant, il a donné aux partenaires de la France, tout particulièrement en Afrique, de sérieux motifs d'inquiétude.

Pour saisir la pleine mesure du problème que pose à la France la démission du général Pierre de Villiers, il convient de prendre en considération les trois données stratégiques suivantes :

1) La France est l'une des puissances occidentales les plus engagées sur le plan militaire  à travers le monde : outre son propre territoire elle doit protéger ses départements et territoires d'outre-mer qui sont répartis sur les cinq continents ; elle occupe, par ailleurs, une place majeure dans le système de défense de l'Europe dont l'Organisation du traité de l'Atlantique nord constitue le pivot ; elle se trouve enfin impliquée, en Afrique comme au Moyen-Orient, dans une lutte  vitale contre le terrorisme qui requiert de plus en plus d'hommes, de plus en plus de moyens, donc de plus en plus d'argent. Sauf à réduire l'influence de la France sur la scène internationale, ses forces armées doivent pouvoir mener à bien les missions stratégiques qui leur sont assignées.   

2)  Il se trouve malheureusement que la montée des tensions internationales et l'engagement croissant de ces mêmes forces armées qui en découle sur le théâtre intérieur et les théâtres extérieurs coïncident avec une dégradation inquiétante des finances publiques de la France. Contraintes d'accroître leurs interventions alors même que les moyens qui leur sont alloués se réduisent ou menacent de se réduire de façon drastique les armées françaises se trouvent confrontées à un problème d'autant plus grave qu'elles doivent dans le même temps moderniser leurs moyens d'action. Une situation intenable que le Général de Villiers a exposé de façon très logique aux députés qui l'avaient invité à exposer les données de ce problème.     

3) Aux deux données qui précèdent s'ajoute une troisième – sans doute la plus grave – qui place les états-majors dans une véritable impasse : la modernisation de l'arsenal nucléaire dont la France s'est dotée à l'initiative du général de Gaulle au début des années soixante du siècle précédent afin de se protéger contre les dérives éventuelles de la "guerre froide" qui opposait alors l'Union soviétique et les nations occidentales. Près de soixante ans plus tard les sous-marins, les missiles, les avions qui constituent cet arsenal doivent être adaptés aux nécessités du temps présent et aux percées technologiques qui se sont produites. Mais cette tâche ne pourra être réalisée que si les moyens financiers nécessaires sont apportés par l'Etat, ce qui aura comme conséquence inéluctable d'amputer le budget assigné aux forces conventionnelles.

C'est pour avoir évoqué de façon claire et courageuse cette série de problèmes que le général Pierre de Villiers a été prié de démissionner de son poste par Emmanuel Macron. Lequel n'a visiblement pas compris ou pas suffisamment mesuré que le malaise grandit de semaine en semaine au sein des armées françaises d'autant plus vite et d’autant plus fort que le nouveau locataire de l'Elysée a fait nommer comme ministre de la Défense une femme, Florence Parly, qui n'a aucune expérience des questions militaires et qui, de ce fait, ne peut être perçue comme une interlocutrice crédible par les responsables des armées françaises. En se séparant du chef d'état-major des armées sans avoir pris la mesure du trouble qu'il allait provoquer au sein de la « grande muette » le président français a montré qu’il n’a pas pris la juste mesure du malaise des armées dont il est désormais le chef.

Si Emmanuel Macron a eu raison de se poser dès le début de son quinquennat en président « jupitérien » il ferait bien de ne « point trop en faire » comme on dit dans la rue. Peut-être aussi de consulter avant de prendre des décisions hasardeuses les hommes comme l’actuel ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui ont une réelle connaissance des questions de défense et qui ont su redonner confiance ces dernières années aux forces armées françaises.

 

 

 

   

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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