Nigeria : l’opposition juge anticonstitutionnelle la suspension de Walter Annoghen

Mardi 29 Janvier 2019 - 11:45

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Le principal adversaire du pouvoir, Atiku Abubakar,  a désapprouvé, le 28 janvier, la décision du chef d’Etat, Muhammadu Buhari, de suspendre le président de la Cour suprême, à quelques semaines du scrutin présidentiel.

Le chef de l’Etat nigérian a suspendu, le 25 janvier, Walter Onnoghen et nommé à sa place comme président de la Cour suprême et plus haut magistrat du Nigeria un juge originaire du nord du pays, comme lui.

Walter Onnoghen est poursuivi devant le tribunal du code de conduite, une juridiction créée spécialement pour juger les questions éthiques. Il est accusé de ne pas avoir déclaré plusieurs comptes bancaires en dollars, euros et livres sterling.

L’Union européenne (UE), les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont exprimé le 26 janvier leur préoccupation. Cette mesure a provoqué des critiques tant au Nigeria qu’à l’étranger à l’égard du président, auquel il est reproché d’avoir violé la Constitution et de tenter de manipuler l’appareil judiciaire.

Atiku Abubakar, l’un des principaux adversaires à la présidentielle de Muhammadu Buhari, qui brigue un nouveau mandat, a estimé, le 28 janvier, que la suspension du juge Walter Onnoghen était « illégale » et représentait « une violation manifeste de la Constitution et une attaque frontale contre (la) démocratie ».

« La manière dont nous allons réagir à ce défi dans les prochains jours déterminera l’avenir de notre démocratie », a-t-il ajouté, quelques jours après avoir qualifié la décision du chef d’Etat, un ancien général putschiste, d’« acte éhonté de dictature ».

La Constitution nigériane prévoit, en effet, que le président ne peut renvoyer le plus haut magistrat du pays qu’avec l’approbation des deux tiers des sénateurs. Dans ce cas, Walter Onnoghen n’a pas été renvoyé mais « suspendu ».

Le gouvernement nigérian s’est défendu de chercher à interférer dans les élections présidentielle et législatives du 16 février.

« Le président de la Cour suprême n’est pas chargé de l’élection. Il n’est pas non plus le premier arbitre des plaintes électorales », a expliqué Garba Shehu, le porte-parole du président Muhammadu Buhari.

« Lui-même et la Cour suprême n’interviendront à titre d’arbitre final qu’à la fin du processus d’appel (...). Il est illogique de lier le CJN (Chief justice of Nigeria) aux élections de cette façon, à moins de supposer que des plaintes seront déposées et qu’elles iront jusqu’à la Cour suprême », a-t-il ajouté.

L’UE, la Grande Bretagne et les Etats-Unis accusés d’ingérence

Dans une première réaction, le porte-parole présidentiel avait accusé l’UE, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis - qui doivent envoyer des observateurs électoraux - d’ingérence dans les affaires intérieures du Nigeria. Selon lui, la position du juge Onnoghen était « intenable » et le président Buhari a été contraint de le suspendre car, le magistrat avait refusé de se retirer sur une base volontaire.

Mais des centaines d’avocats ont manifesté le même jour devant le siège à Abuja de l’Association des magistrats nigérians, au moment où ses responsables se réunissaient pour discuter de l’affaire qui fait grand bruit et pourrait être un tournant dans cette campagne électorale, plutôt timide jusqu’à présent.

L’association des magistrats a qualifié la suspension du président de la Cour suprême de « tentative de coup d’Etat contre l’appareil judiciaire ». « La Constitution doit être respectée. Le président Buhari doit revenir sur cet acte illégal », a déclaré un des manifestants, Oseghale Obaga.

Les élections de février s’annoncent très disputées entre le président sortant, candidat du Congrès des progressistes et le principal mouvement de l’opposition, le Parti populaire démocratique, représenté par Atiku Abubakar, un ancien vice-président.

L’ancien général Muhammadu Buhari avait été élu en 2015 sur la promesse d’éradiquer la corruption, ce « cancer » qui gangrène le premier producteur de pétrole du continent. Mais, ses détracteurs l’accusent de mener une chasse aux sorcières et ne viser que ses opposants politiques.

Le centre de recherche en sciences politiques basé à Lagos, SBM intelligence, a rappelé que la dernière fois qu’un président de la Cour suprême avait été démis de ses fonctions remontait à 1975, lors du coup d’Etat militaire de Murtala Muhammad. « Les motivations de cette suspension sont totalement politiques et indiquent que le président veut exercer une influence sur l’appareil judiciaire » qui devra déterminer le vainqueur des élections en cas de litiges, a souligné ce centre dans une analyse.

Cette décision devrait avoir de lourdes conséquences sur les suspicions de violation d’Etat de droit mais aussi sur l’incertitude politique et économique qui en découle, selon les experts nigérians. 

Nestor N'Gampoula et AFP

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