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Nouveaux blocs et zones grises

Samedi 21 Février 2015 - 12:15

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Il y avait, d’un côté, ceux qui pensaient que l’homme, en abolissant l’espace et le temps grâce aux nouvelles technologies, prendrait enfin conscience de la nécessité pour son espèce de s’unir afin de résoudre les problèmes de toute nature auxquels il se trouve confronté depuis son émergence au sein du monde animal. Il y avait, de l’autre côté, ceux qui craignaient, sans le dire ouvertement de peur d’apparaître trop pessimistes, qu’une fois de plus l’humanité se révèle incapable de maîtriser ses mauvaises pulsions et utilise à des fins destructrices les armes de progrès dont elle se dotait.

Malheureusement, jusqu’à présent en tout cas, ce sont les seconds qui ont raison. Jugeons-en sur pièces.

Premier constat : les « blocs » que l’on croyait dissouts à l’issue de la Guerre froide se reconstituent sous nos yeux, plus puissants et plus hostiles encore que ceux dont les excès conduisirent la planète au seuil d’une nouvelle guerre mondiale dans les années soixante du siècle précédent. Ce qui se passe actuellement en Europe de l’Est et en Mer de Chine méridionale, mais aussi au Proche et au Moyen Orient montre que les « Grands » n’ont aucunement tiré les leçons des crises qui les avaient jadis opposés. Renforcées par les progrès technologiques réalisés dans le domaine militaire, dans le renseignement, dans la maîtrise de l’espace, dans le transfert instantané des données, leur confrontation ne cesse de s’aggraver, paralysant les institutions comme le Conseil de sécurité des Nations unies qui avait pour mission de prévenir ce danger. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nul ne sait ce qu’il sortira de la nouvelle dérive à laquelle nous assistons.

Deuxième constat : les « zones grises », où toutes les violences sont permises faute d’être endiguées et combattues de façon efficace par la communauté internationale, s’étendent démesurément. Que ce soit en Asie, en Amérique latine ou en Afrique, les espaces livrés aux gangs, aux milices, aux extrémistes de tout poil se multiplient au point de mettre en péril la stabilité de régions entières de la planète. Nous en avons une preuve accablante dans l’immense région du Sahara et du Sahel où le non droit est devenu la règle, où prolifèrent les trafics en tous genres, où l’inhumanité règne en maître ; avec une poussée vers le Nord de l’immigration sauvage et vers le Sud de l’islamisme radical qui menacent désormais directement la stabilité de l’Europe méridionale et de l’Afrique subsaharienne ; avec, de ce fait, une déstabilisation générale des pays que menacent des dérives dont ne peut sortir que le chaos à terme plus ou moins rapproché.

Croire dans un tel contexte que les « Grands » sont capables de s’unir pour combattre ce fléau des temps modernes et préserver la paix mondiale relève de l’utopie pure et simple. Ni la Chine, ni l’Europe, ni les États-Unis, ni l’Inde, ni la Russie ne sont aujourd’hui véritablement conscients du danger que recèlent leurs différends affichés ou secrets. Plus que jamais arqueboutées sur les intérêts particuliers qu’elles défendent, ces puissances s’avèrent incapables d’anticiper les effets désastreux de leurs actions. Au-delà même du champ diplomatique, on en a une autre preuve accablante dans le domaine de l’environnement où leurs industries dégradent irrémédiablement la nature sans qu’elles se soucient de la protéger autrement qu’en paroles.

Le principal défi de ce début de millénaire est donc bien celui que posent aux autres peuples l’égoïsme, l’aveuglement, le nombrilisme des nations qui, regroupées au sein d’un G 8 aussi artificiel qu’inefficace, prétendent aujourd’hui dicter leur loi au reste de la planète. Largement majoritaires par le nombre et détenteurs d’une bonne partie des ressources naturelles de la Terre, les « Émergents » pourraient, s’ils le voulaient réellement, changer la donne sur l’échiquier international. Mais en prendront-ils conscience avant qu’un nouveau tsunami plonge dans l’abîme l’ensemble de notre monde ?

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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