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Où peut conduire la dérive migratoire en Europe ?

Samedi 13 Janvier 2018 - 18:05

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Comme il fallait s'y attendre l'afflux des migrants vers les côtes européennes à partir de la Libye a repris ces derniers jours après une très brève accalmie. Et tout indique que les actions engagées, ou plutôt esquissées, par l'Europe pour la stopper, ou au moins la réduire, sont vouées par avance à l'échec. D'où cette question que se posent aujourd'hui nombre d'observateurs de la scène internationale : quelles conséquences, immédiates et lointaines, aura sur l'Union européenne la vague humaine qui déferle du Sud vers le Nord de la Méditerranée ?

Sans prétendre apporter des réponses complètes à une telle interrogation, nous pouvons dès à présent avancer trois idées.

La première est qu’une fêlure, voire même peut-être l'implosion de l'Union européenne, est inévitable. N'ayant su ni prévoir, ni prévenir la crise humaine que provoquerait inévitablement l'effondrement de la Libye - crise dont deux de ses principaux membres, la France et le Royaume-Uni, sont largement responsables  même s’ils refusent toujours de le reconnaître - la pesante "machine " de Bruxelles est à l'évidence incapable de mettre en place les dispositifs qui pourraient freiner ou bloquer le juteux trafic criminel que constitue aujourd'hui l'acheminement des migrants africains et orientaux vers les côtes européennes. Entre les pays du Sud de l'Union européenne, qui subissent de plein fouet les conséquences de ce mouvement humain, et les pays du Nord qui en sont protégés par la géographie se creuse de façon invisible un fossé qui tôt ou tard génèrera une crise politique que la gouvernance européenne s'avèrera incapable de gérer. Il suffit pour s'en convaincre de comparer les discours que tiennent sur le sujet, d'un côté les dirigeants espagnols, français, italiens, grecs, polonais ou roumains et de l'autre les dirigeants allemands, britanniques, hollandais, danois ou suédois.

La deuxième idée est que partout, au sein de la Vieille Europe, le démon du nationalisme refait surface à la faveur de cette crise humanitaire. Très visibles dans des pays comme l'Autriche et la Pologne où le pouvoir est désormais détenu par une droite dure qui ne dissimule pas sa volonté d'empêcher l'installation durable des migrants sur le territoire national, ce démon trace lentement mais sûrement sa route vers les pays fondateurs de l'Union européenne que sont l'Allemagne et la France. Nous en avons eu, hier, la démonstration en France lors de l'élection présidentielle qui a vu la candidate du Front national, Marine Le Pen, accéder au second tour de scrutin et nous en avons la preuve aujourd'hui en Allemagne où la Chancelière Angela Merkel a dû se battre pendant des semaines pour former un gouvernement assis lui-même sur une majorité parlementaire stable. Un double mouvement qui, soit dit en passant, est pour une large part à l'origine du Brexit, c'est-à-dire du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

La troisième idée est que le choc provoqué par la combinaison des deux mouvements décrits ci-dessus a toutes les chances d'entraîner, à brève échéance, une refonte de l'Union européenne. Avec, très probablement, la reconstitution du noyau dur qui permit dans les années cinquante du siècle précédent de créer la Communauté économique européenne (CEE). Proposée par les Pères fondateurs de l'Europe, cette institution avait le grand mérite d'être homogène et surtout gérable puisqu'elle rassemblait un nombre limité de pays du Vieux continent autour d'un projet cohérent. Mais, hélas, elle a volé en éclat lorsque, profitant de l'effondrement du bloc communiste, de doux rêveurs ont décidé d'élargir à vingt-huit le nombre d'Etats membres en y incluant les pays de l'Est. Ce qui a eu comme conséquence immédiate de rendre l'Union européenne ingouvernable. Dans la situation de crise présente, le retour aux sources de l'Europe n'a rien d'utopique ni d'illusoire,  surtout avec l’arrivée au pouvoir en France d'un homme comme Emmanuel Macron qui, lui,  est tout sauf un doux rêveur et qui a parfaitement conscience du risque mortel que court l’Union européenne du fait de l’afflux incontrôlé et incontrôlable des migrants venus du grand Sud.

Arrêtons là cette réflexion qui ne sera certainement pas partagée par tous nos lecteurs. Mais ayons conscience que la crise dont nous vivons le début aura très probablement de lourdes, très lourdes conséquences sur l'avenir de l'Europe et pas seulement pour elle.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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