Peinture : les sœurs Chevalme font rimer mode et sape

Vendredi 7 Novembre 2014 - 21:00

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Greffes de l’histoire, histoires de griffes, un terme emprunté à Alain Mabanckou, treize toiles en exposition à la Halle de Gombe depuis le week-end dernier, est le projet des jumelles françaises réalisées à partir de photographies de sapeurs de la République du Congo qui réunit la sape d’un côté et la mode de l’autre ainsi que deux capitales, à savoir Paris et Brazzaville. Une manière de relier ces deux villes dont l’histoire commune a forgé une partie de l’identité de la seconde

Le sapeur Kaditoza posant à côté d’une toileLe côté mode de l’exposition fort apprécié des visiteurs tient de la campagne de publicité française bien connue à Paris du photographe Jean-Paul Goude pour les Galeries Lafayette. Delphine et Elodie Chevalme en ont gardé la composition faisant poser les sapeurs congolais à la place des mannequins. Le projet écrit dans ses grandes lignes avec le concours de deux amis photographes de Brazzaville après avoir contacté l’Institut français (IF), les sœurs jumelles ont fait le déplacement pour le Congo. Elles se sont mises à l’ouvrage pendant un mois et demi en créant un studio photo sur place au sein du collectif de photographes Bilili. Elles y ont créé les décors qui ont servi à faire les poses. Et les sapeurs sont venus petit à petit poser dans le studio pour des photos qui ont servi à réaliser pendant un an les toiles exposées à l’IF.

Delphine a confié aux Dépêches de Brazzaville que certaines toiles ont été réalisées en solo, les plus petits formats notamment. Mais en général, nous a-t-elle dit, elles se passent le pinceau sur une même toile. « Dans le cas par exemple ou l'une sèche un peu ou se trouve coincée sur des questions de couleur ou de composition, on peut se relayer, il n’y a pas de problème », a-t-elle néanmoins renchéri. Et d’ajouter aussi que «  dans le cadre de ce projet, les choses étaient prévues, décidées à l’avance et chacune savait ce qu’elle devait faire. Le projet n’était pas trop empirique sur la manière de créer. » La plus grande toile, qui ne manque pas d’impressionner le public, a été faite en dernier, nous a dit l’artiste. Et de nous expliquer : « Parce qu’elle était la plus grande elle demandait plus de temps. La pièce a quatre personnages, il était important de bien réussir la composition entre eux. Au moment de la pose, nous n’avions pas réussi à faire la photo avec les quatre personnages. À chaque fois, il y en avait deux ou trois. Il a fallu remonter tout, refaire la composition de sorte que ce soit cohérent entre les personnages. » C’est un petit clin d’œil à Matsua qui revient sur d’autres toiles, l’avenue mythique de la Sape même si l’en existe d’autres comme La Main bleue, par exemple.La toile la plus imposante de l’exposition

Quant à savoir où s’établit la limite entre la mode et la Sape, Delphine nous a dit pour commencer  : « La mode, c’est le luxe. C’est une sphère qui n’est pas forcément accessible au commun des mortels. Pour nous, clairement, la mode c’est un monde à part. En France, nous apprécions la mode mais nous savons que nous allons pas nous habiller en vêtements de mode mais en prêt-à-porter sauf si l’on a les moyens. » Et de poursuivre ainsi : « La Sape, c’est autre chose. C’est un mode de vie, une manière de se distinguer socialement et aussi de montrer que l’on n’est pas forcément dans les logiques matérielles parce que nous sommes dans un pays où il faut penser à manger. » Et, comme pour en donner la preuve, les sapeurs de Kinshasa venus participer au vernissage de l’exposition n’ont pu s’empêcher de parader. Il leur est arrivé de se mêler au décor pour encore mieux marquer leur présence sur le lieu.

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le sapeur Kaditoza posant à côté d’une toile. (© DR) ; Photo 2 : La toile la plus imposante de l’exposition. (© DR)