Pierre Lechantre: "Je veux travailler avec des joueurs motivés et désireux d’adhérer à mon projet"

Dimanche 25 Septembre 2016 - 8:43

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Quarante-huit heures après la publication de la présélection face à l'Egypte, Pierre Lechantre revient sur la non sélection du trio Oniangué-Ndinga-N'Ganga. Mais souhaite rester concentré sur le match du 9 octobre et sur les orientations tactiques qu'il entend appliquer à une équipe majoritairement composée de joueurs issus du championnat local.

Les Dépêches de Brazzaville : Monsieur Lechantre, la liste de 37 joueurs présélectionnés vient d’être publiée. Pouvez-vous nous donner le programme de préparation du groupe jusqu’au match face à l’Egypte ?

Pierre Lechantre : On conserve le système qui a fonctionné pour préparer le match gagné contre la Guinée Bissau : une semaine de stage avec les joueurs locaux, soit 27 des 36 éléments présélectionnés, puisque j’ai appris aujourd’hui le forfait d’Arnold Bouka Moutou. Je suis le championnat depuis maintenant trois mois, en assistant à tous les matchs, et nous allons poursuivre le travail de fond réalisé avec les joueurs locaux. Au bout d’une semaine, les meilleurs resteront et prendront part à un stage d’une semaine avec les joueurs de l’étranger qui voyageront le 3 octobre.

LDB : Dans cette liste, trois absences marquent les esprits puisqu’il s’agit de Prince Oniangué, Delvin Ndinga et Francis N’Ganga, qui sont des éléments réguliers de la sélection nationale depuis 2008. Quelle est la raison de leur non sélection ?

P.L : Je souhaite mettre du sang neuf dans le groupe et mettre l’accent sur d’autres joueurs en tirant les enseignements de la grosse désillusion de l’élimination face au Kenya. C’est pour cela que nous avons tenté l’expérience sans ces joueurs contre la Guinée Bissau. Et l’expérience n’a pas été mauvaise. Donc je ne vois pas pourquoi je changerai une équipe qui a gagné en répondant à mes attentes tactiques. Alors, on va dire qu’en face, c’est l’Egypte, c’est un gros match, qu’il faut des joueurs d’expérience. Mais je réponds que ces joueurs d’expérience, ils n’ont pas fait suffisamment leur travail lors des matchs de qualification de la CAN 2017. Donc j’ai pris ma décision.

LDB : Au retour du Kenya, vous aviez dit être « déçu par vos leaders ». C’est donc à ce trio que vous faisiez allusion ?

P.L : Pas uniquement, mais depuis j’ai eu la confirmation que certains joueurs ont décidé de ne pas me suivre dans mon dispositif tactique, dans mes orientations de jeu. Si des joueurs n’acceptent pas mes directives, s’ils veulent jouer à leur façon ou à la façon de Claude Le Roy, c’est leur problème. Mais ce n’est pas dans mon équipe. Donc je prends ceux qui sont motivés pour adhérer à mon projet.

LDB : Mais s’ils n’adhéraient pas à votre système, pourquoi les avoir alignés à Nairobi au détriment, par exemple, d’un Jordan Massengo que vous aviez lancé, avec réussite, contre les deux matchs précédents face à la Zambie ?

P.L : C’est probablement une erreur de ma part. Nous devions assurer au minimum un match nul pour ensuite jouer la qualification à domicile face à la Guinée Bissau et j’ai pensé que l’équipe alignée à Nairobi était capable de le faire. J’aurais certainement dû aller au bout de mes idées premières. Mais je ne pensais pas qu’il y aurait une telle réaction négative d’un groupe de cinq ou six joueurs. D’autant plus que c’est la première fois que ça m’arrive dans ma carrière d’entraineur.

LDB : S’agissant de ces trois joueurs… 

P.L : (il coupe) Ecoutez, je ne voudrais pas que le cas de ces trois joueurs fasse oublier l’essentiel : le match contre l’Egypte. Donc, parlons de ce match et des joueurs sélectionnés.

LDB : Il est tout de même légitime que les gens se demandent si cette non sélection est ponctuelle ou définitive…

P.L : Je l’admets, mais moi, ce qui m’intéresse, c’est Congo-Egypte, le 9 octobre.

LDB : Quels enseignements avez-vous tiré de la victoire contre la Guinée Bissau dans l’optique de ce match face à l’Egypte ?

P.L : La première chose, c’est qu’entre un joueur local surmotivé et un joueur qui arrive de l’étranger pour faire son petit « job » tranquille, il n’y a pas, au bout du compte, une grosse différence de niveau. L’envie est primordiale et j’en ai vu beaucoup à l’occasion de cette victoire. Je veux travailler avec des joueurs motivés et désireux d’adhérer à mon projet.

LDB : D’autres sélections s’appuient sur une forte base de joueurs locaux, mais n’y-a-t-il pas, avec l’absence de résultats des clubs congolais sur la scène continentale, une limite à cette stratégie, alors que l’on s’apprête à affronter une équipe égyptienne composée de joueurs évoluant à Al Ahly ou au Zamalek, qui vient de balayer le WAC en demi-finale de Ligue des champions ?

P.L : C’est un constat indéniable. On sait que l’on va rencontrer l’une des meilleures équipes d’Afrique composée de joueurs évoluant dans des clubs africains de très haut niveau, mais aussi dans des grands clubs européens. L’équipe d’Egypte est normalement supérieure à nous. Il est d’autant plus nécessaire d’avoir un surplus de motivation et de mettre les bouchées doubles sur la cohésion des joueurs locaux, avec lesquels nous pouvons travailler plus souvent et plus longtemps. D’où l’importance de cette première semaine, qui fait suite au travail accompli le mois dernier, pour affiner les réglages tactiques et les automatismes. Et nous, le staff technique, devront faire en sorte de remonter le groupe à bloc, pour que les joueurs retenus aient l’envie de montrer ce qu’ils valent, de prouver qu’il y a de la qualité dans le championnat congolais.

LDB : Il a souvent été reproché à vos prédécesseurs de ne pas être assez sur place. Ce n’est pas votre cas, puisque vous suivez assidument le championnat local. Suivez-vous également les jeunes joueurs de la diaspora qui peuvent émerger à l’image de Morgan Poaty, qui a intégré le groupe pro montpelliérain ou Alan Dzabana qui était sur le banc lyonnais en Ligue des champions ? Avez-vous un regard sur la diaspora ou restez-vous essentiellement concentré sur le championnat local ?

P.L : Non, je n’ai pas la bêtise de croire que je peux aligner une équipe avec onze joueurs locaux pour être compétitif au haut niveau africain. Mais, nous avons une échéance de deux matchs contre l’Egypte et l’Ouganda, en octobre et en novembre, et je n’ai pas suffisamment de temps, pour l’instant, pour aller voir des joueurs à l’étranger. Donc, nous abordons ces deux rencontres avec un mélange de joueurs locaux ultra-motivés et de joueurs de l’étranger qui ont prouvé leur envie de s’investir et d’adhérer à un projet de groupe. Ensuite, nous aurons dix mois avant la 3e journée contre le Ghana. J’aurai alors l’occasion d’aller voir autre chose. Mais figurez-vous que je lis régulièrement les chroniques des Dépêches de Brazzaville consacrées aux joueurs de la diaspora. Et comme tout le monde, je lis souvent : « untel était remplaçant », « untel n’était pas retenu dans le groupe », « untel est resté sur le banc ». Donc, je veux bien m’intéresser aux joueurs de l’étranger, mais je constate qu’un certain nombre d’entre eux ne sont pas régulièrement alignés par leur entraineur. A moins de considérer que tous ces techniciens sont fous, on ne peut que constater que les titulaires indiscutables ne sont pas nombreux et que nous n’avons pas de stars internationales à disposition.

LDB : C’est factuel. Mais parmi ces joueurs qui ne parviennent pas toujours à s’imposer hors des frontières, on retrouve parfois des anciens meilleurs joueurs du championnat local, à l’image d’un Hardy Binguila, international reconnu au Congo, mais abonné à la réserve d’Auxerre. Finalement, issus de la diaspora ou du championnat local, les joueurs congolais se heurtent souvent au même « plafond de verre ».

P.L : Effectivement. Et cela mérite une réflexion globale et collective. Quand un joueur congolais franchit la frontière, a-t-il le bagage psychologique et psychique pour s’imposer dans son équipe ? Le joueur congolais est-il trop gentil ? Ce qui expliquerait que l’entraîneur se dit qu’en le mettant sur le banc, cela ne fera pas de vague… Ce sont des questions que l’on doit se poser, car le talent existe. Pourquoi un Thievy Bifouma, star du football congolais, ne parvient pas à s’imposer à Bastia, après avoir échoué à Reims ? Pourquoi Prince Oniangué se retrouve en deuxième division anglaise ? Ce sont des questions que je me pose.

LDB : Vous évoquiez ces dix mois qui sépareront les matchs contre l’Ouganda et le Ghana. Avez-vous, instances et staff technique, programmé des matchs amicaux ?

P.L : Nous avons, je dois malheureusement l’avouer, quelques soucis en termes d’organisation. Nous souhaitions disputer des matchs amicaux contre des équipes étrangères, notamment pour les joueurs locaux, que l’on peut plus facilement réunir hors des dates Fifa, après chaque rassemblement. Nous avions ainsi prévu d’affronter le Cameroun avant l’Egypte, mais a priori, ça pose problème. Donc, nous devons redoubler d’efforts pour permettre à ce groupe de progresser. Les calendriers de la Fifa sont connus à l’avance, il faut donc anticiper plusieurs mois à l’avance et ne pas se réveiller au dernier moment.

LDB : Comment se prépare-t-on à affronter trois adversaires aux caractéristiques si différentes : le jeu « nord-africain » de l’Egypte, la technique et la puissance du Ghana et le style physique anglo-saxon, qui ne réussit guère aux Diables rouges, de l’Ouganda ?

P.L : Dans mon interprétation du football, je me suis toujours dit que l’idéal était d’imposer son style sans trop tenir compte de l’équipe adverse. Cela n’empêche pas d’étudier les qualités individuelles de certains joueurs et le style de jeu de l’adversaire. On sait par exemple qu’il faudra faire attention à cette équipe égyptienne, avec un Mohamed Salah qui va très vite sur son côté droit. On le sait et on va essayer de le gérer au mieux, en prenant en compte l’absence d’Arnold Bouka Moutou. Mais on ne va pas faire une fixation et on va continuer à travailler tactiquement.

LDB : Continuer à travailler tactiquement, ça veut dire, concrètement, que vous conservez votre organisation défensive à 5 défenseurs ?

P.L : C’est une organisation que j’ai toujours appréciée. Peut-être vous souvenez-vous des Lions Indomptables 2000-2002 ? J’avais choisi des joueurs qui correspondaient bien à cette tactique de jeu. Et là, avec les joueurs locaux, j’ai l’impression que ça correspond assez à leur style. Face à la Guinée Bissau, les débordements des latéraux sont allés dans ce sens et ont posé des problèmes à notre adversaire. Et je vais continuer à faire travailler mon équipe dans cette direction.

LDB : Pensez-vous avoir les joueurs nécessaires pour ce système : par exemple, Marvin Baudry, qui jouait latéral l’an passé, est désormais aligné dans l’axe à Zulte-Waregem ?

P.L : Cela n’est pas vraiment un problème. Nous avons des joueurs polyvalents et Marvin Baudry en fait partie. Il joue dans l’axe en club, mais quand je lui ai demandé de jouer à droite, de déborder et de centrer, il l’a très bien fait. Il a un bon pied et la capacité de faire des allers-retours, donc ce système lui convient très bien.

 

Propos recueillis par Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

S'il compte toujours sur les joueurs "impliqués" de la diaspora, Pierre Lechantre continue de faire confiance à une large base de joueurs locaux (droits réservés)

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