Portrait : les cent ans de Daniel Koubemba célébrés sous le signe de l’amour

Mardi 29 Juillet 2014 - 12:12

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De nombreux invités croyaient trouver Daniel Koubemba sagement assis sur une chaise, chargé du poids de ses cent ans. Rien de tout cela. L’homme a contribué à la réussite de sa fête célébrée avec faste le 26 juillet, veillant à tous les détails

Dans la parcelle bondée, la famille et les invités ont dégusté leurs assiettes bien remplies au son des tam-tam des groupes traditionnels. Pas de musique moderne, en effet, pour agrémenter la fête, car « le patriarche », comme on l’appelle dans le coin, est un chef coutumier défenseur des traditions ancestrales. Maître « ngunziste » de l’aile « Bulamananga », il perpétue depuis des décennies, à travers une église plantée dans sa parcelle, l’héritage messianique laissé par Kimpa Vita, Simon Kimbangu et André Matsoua.

Un insigne rectangulaire rouge ficelé d’une photo de Matsoua se distingue sur son costume gris à deux boutons porté sur une chemise blanche agrémentée d’une cravate bleue aux fines raies rouges. Afin d’achever cette harmonie, une pochette jaune pour, semble-t-il, respecter la fameuse règle imposée par une autre religion : la sape. C’est lui-même qui a choisi de s’habiller ainsi, affirme l’un de ses enfants. « Papa est un homme soigné, il ne tolère même pas que sa barbe dépasse », ajoute-t-il.

Daniel Koubemba n’est pas resté assis pendant la fête. Il circule d’un pas encore assuré entre les convives. Il se lève souvent pour faire des photos avec des invités. Il appelle, ordonne et gesticule, la canne à la main. Il dit avoir adopté une hygiène de vie drastique pour bénéficier des faveurs de ce siècle, lui qui est né en 1914, quelques semaines après le début de la Première Guerre mondiale. Il garde encore des souvenirs frais de l’époque coloniale… Il se rappelle avec vivacité le refus de l’administration coloniale de le laisser entrer dans l’armée pour combattre aux côtés de la France pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il n’avait pas de carte d’identité, et les listes étaient closes. Avant cette tentative, il avait travaillé comme jardinier au jardin d’essai, là où est érigé le stade Alphonse-Massamba-Débat. Daniel Koubemba a également œuvré comme marmiton chez Branco, un commerçant portugais qui avait pour siège l’actuel ex-Trésor, vers le Plateau.

Outre le fait que son appartenance au Ngunzisme l’a aidé « à comprendre quelques mystères » et « à sonder la vie spirituelle », pour vivre longtemps, le patriarche affirme manger avec soin. « J’ai accepté les préceptes de Dieu et respecté les interdits. J’ai surtout semé l’amour autour de moi. Je n’ai blessé personne. Je ne mange pas quand l’autre n’a pas mangé. Je ne mange pas les choses défendues. Surtout pas les aliments qui contiennent du sang. J’aime les légumes et le saka-saka cuit à l’étouffée mélangé avec le gombo. Je mange beaucoup de poissons d’eau douce », explique Daniel Koubemba.

En célébrant ses cent ans en compagnie de ses enfants, petit-fils et arrière-petit-fils, c’est aussi un hommage qu’il rend à ses ancêtres qui lui ont légué des valeurs d’amour et de respect de l’autre. Il pense notamment à ses aïeux de Ngamboulou, son village natal, vers Boko, sur la route de Nkama Mbangala, là où il fit connaissance de sa femme avec qui il a eu sept enfants.

Chef religieux, c’est avec plaisir qu’il évoque l’avenir du Congo qu’il voit radieux si les Congolais cultivent l’amour et enterrent la haine et le tribalisme. « À l’époque, nous ne connaissions pas la haine qui a conduit notre pays à verser du sang. Ne gardez pas dent, ne haïssez pas, mais bénissez. Ce n’est que par l’amour que vous vivrez longtemps, et ce n’est que par l’amour que Dieu donne ses faveurs. C’est le seul conseil que je lègue aux générations futures », a conclu le patriarche, témoignant d’une vie bien remplie.

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Daniel Koubemba, le lendemain de la célébration de ses cent ans, sur la véranda de son domicile de Bacongo (© DR).