Présidentielle annulée au Malawi : de rares décisions similaires dans le monde

Mardi 4 Février 2020 - 12:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

La Cour constitutionnelle du pays a annulé, le 3 février, la réélection en mai 2019 du président sortant, Peter Mutharika, ordonnant l’organisation d’un nouveau scrutin présidentiel dans les cinq mois. Si ce n’est pas pour la première fois qu’une élection présidentielle est annulée dans un pays, il faut cependant noter que de précédents cas ont eu lieu depuis une vingtaine d’années, après celui du Malawi.

« Nous considérons que Peter Mutharika n’a pas été dûment élu le 21 mai 2019. En conséquence, nous annulons les résultats de l’élection présidentielle », a décidé la cour dans un jugement. Concluant que des responsables électoraux avaient utilisé du fluide correcteur blanc pour falsifier des votes, la cour a souligné que cette façon de faire est « injustifiable » et constitue « une irrégularité ». De plus, elle a indiqué qu’un quart seulement des procès-verbaux du vote a été vérifié, prouvant qu’il s’agit d’« un sérieux manquement qui porte atteinte aux élections ».

En attendant l’organisation d’un nouveau scrutin présidentiel, plusieurs observateurs pensent que la décision de la Cour risque de provoquer des troubles dans ce pays d’Afrique australe.

Au pouvoir depuis 2014, Peter Mutharika avait été réélu en 2019 avec 38,57% des suffrages, selon la Commission électorale, devant le principal représentant de l’opposition, Lazarus Chakwera (35,41%). Seulement 159.000 voix les séparaient. Lazarus Chakwera et Saulos Chilima, arrivé troisième, avaient immédiatement dénoncé des fraudes dont un nombre de procès-verbaux de dépouillement raturés. Une situation qui les avaient conduits à saisir la Cour constitutionnelle pour obtenir l’annulation de la présidentielle, même si le camp du vainqueur niait toute fraude.

L’annulation du scrutin présidentiel au Malawi a de rares précédents dans le monde. Au total sept pays ont déjà pris une telle décision. Ce sont :

La Bolivie en 2019

Le président sortant, Eva Morales, qui, en octobre briguait un 4e mandat, s’était proclamé vainqueur de la présidentielle, mais l’opposition l’accusait de fraude. Il s’en était suivi plusieurs semaines de manifestations ayant débouché sur son lâchage par l’armée. Le chef de l’Etat annonçait sa démission le 10 novembre avant de s’exiler, dénonçant un « coup d’Etat ».

Quelques semaines plus tard, soit le 24 novembre, la présidente par intérim promulguait une loi convoquant de nouvelles présidentielle et législatives. Le texte annulait le scrutin d’octobre et interdisait à toute personne ayant exercé deux mandats électifs de suite de se présenter à un troisième. Une nouvelle présidentielle est prévue le 3 mai 2020.

Le Kenya en 2017

Dans ce pays, notamment, le 1er septembre, la Cour suprême, saisie par l’opposition, ordonnait la tenue d’une nouvelle présidentielle, déclarant « invalide » le résultat du scrutin du 8 août à l’issue duquel le sortant Uhuru Kenyatta avait été proclamé vainqueur. Le 26 octobre, Uhuru Kenyatta remportait la présidentielle (98,26%), boycottée par son principal opposant, Raila Odinga. En novembre, la Cour suprême rejetait les deux recours demandant l’invalidation du scrutin.

L’Autriche en 2016

Au mois de juillet, la Cour constitutionnelle invalidait la présidentielle remportée le 22 mai avec 30.863 voix d’avance par l’écologiste Alexander Van der Bellen, mais entachée d’irrégularités formelles. Elle faisait ainsi droit au recours du parti d’extrême droite FPO qui contestait la régularité du scrutin. Après avoir remarqué une accumulation de négligences dans le dépouillement des bulletins, une nouvelle présidentielle avait été organisée le 4 décembre, et Van der Bellen l’emportait avec 53,8% des voix contre le candidat FPO, Norbert Hofer.

Haïti en 2016

En juin, les autorités annulaient le premier tour du scrutin présidentiel, tenu le 25 octobre 2015, et dont les résultats avaient été largement contestés par l’opposition. Le candidat du pouvoir Jovenel Moïse recueillait 32,76% des voix contre 25,29% pour Jude Célestin.

La commission de vérification électorale recommandait que le processus électoral soit « repris à zéro » en raison de « fraudes massives ». Et le 20 novembre, lors d’un nouveau scrutin, Jovenel Moïse est élu dès le premier tour avec 55,60% des suffrages. Les résultats, de nouveau contestés par ses concurrents, seront confirmés par le Conseil électoral provisoire (CEP), en janvier 2017.

Maldives en 2013

Le 7 octobre, les résultats du premier tour de la présidentielle du 7 septembre, qui a vu arriver largement en tête l’ex-chef de l’Etat Mohamed Nasheed (45,45%), sont annulés par la Cour suprême qui accueillait favorablement une plainte à propos d’irrégularités concernant une liste électorale.

Le premier tour sera finalement organisé le 9 novembre, donnant à Mohamed Nasheed 47% des voix, un score largement supérieur à celui des deux autres candidats, mais insuffisant pour lui permettre d’être proclamé vainqueur dès le premier tour. Il sera néanmoins battu au second tour par Abdulla Yameen.

L’Ukraine en 2004

La Cour suprême annulait en décembre 2004 la présidentielle du 21 novembre, remportée par le Premier ministre pro-russe Viktor Ianoukovitch. C’est notamment en raison de fraudes graves constatées que le scrutin a été annulé. Entachée de fraudes, cette élection avait soulevé une vague de contestation sans précédent baptisée Révolution orange. Un nouveau second tour organisé le 26 décembre a été remporté par le candidat de l’opposition, Viktor Iouchtchenko.

La Serbie en 2003

D’octobre 2002 à novembre 2003, trois scrutins présidentiels sont invalidés en Serbie en raison d’un taux de participation inférieur au 50% alors requis par la loi électorale.

En juin 2004, après la suppression de cette disposition, le réformiste et pro-européen Boris Tadic remporte la présidentielle face à son adversaire ultranationaliste Tomislav Nikolic. 

 

 

Nestor N'Gampoula

Notification: 

Non