Processus électoral : salve des réactions après le report des élections à Beni, Butembo et Yumbi

Mercredi 26 Décembre 2018 - 18:46

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Plusieurs habitants des territoires concernés rejettent purement et simplement la décision qu’ils qualifient d’injuste et invitent la Céni à la retirer.

La décision de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de reporter à mars 2019 les élections présidentielle, législatives et provinciales dans les villes et territoires de Beni, Butembo (Nord-Kivu) et Yumbi dans le Mai-Ndombe continue d'alimenter la chronique politique de ces dernières heures. Des interrogations fusent de partout quant à la pertinence de cette décision à laquelle un grand nombre de Congolais n’adhèrent pas. Les électeurs dont les circonscriptions électorales sont concernées par ce report sont loin de donner leur quitus à une décision qui les prive de leur droit constitutionnel et en appellent à la démission des responsables de la Céni.

Dès l’annonce de la nouvelle, plusieurs habitants de Beni et Butembo ont vite crié au scandale et rejeté la décision de Corneille Nangaa et son équipe. « C'est inacceptable que les élections se tiennent dans une partie d'un pays, alors que l'autre n'est pas concernée. Nangaa (président de la Céni) cherche à nous provoquer. Nous n'accepterons pas cette bêtise. La population de Beni est-elle différente de ceux qui sont dans d'autres provinces ? Nous appelons le retrait de cette décision... Ils ont tout simplement vu qu'ils n'ont pas de base pour leur candidat, raison pour laquelle ils veulent nous priver des élections », s’est plainte une source locale jointe au téléphone. Ils sont plusieurs dans cette partie du pays à réclamer le retrait de cette décision du reste injustifiée pour autant que, malgré l’insécurité évoquée par la Céni, les candidats à divers niveaux des scrutins ont battu campagne à Beni et ailleurs dans la région.

Pour les habitants de Beni habitués à l’insécurité ambiante qui règne dans leur ville devenue leur lot quotidien, une telle décision est incompréhensible et laisse à penser qu’il y a  anguille sous roche. « Ce dimanche, nous irons aux élections. C'est incompréhensible que Beni soit privée d'élections. C'est depuis quatre ans que nous vivons l'insécurité, les candidats ont mené la campagne dans cette insécurité, le pouvoir n'a jamais songé à éradiquer cette insécurité. C'est inacceptable »,  a ajouté une autre source locale. Même la raison avancée liée à la persistance de l’épidémie d’Ebola est rejetée d’un revers de main. « La Céni savait bien qu'à Beni, il y avait Ebola et l' insécurité, mais a autorisé la tenue de la campagne électorale », argue-t-on, tout en faisant remarquer que le ministre de la Santé avait, en son temps, confirmé qu' Ébola ne pouvait pas entraver la tenue des élections. Pour nombre d’habitants de Beni, cette décision de la Céni est purement politique, une façon de contourner le vote-sanction que la population de ce coin du pays s’apprête à infliger aux candidats de l’actuelle majorité au pouvoir.

La Céni s’explique

D’autres réactions viennent des acteurs politiques de l'opposition qui ne digèrent pas la liberté prise par la Céni de prolonger jusqu’au mois de mars la tenue des élections à Beni, Butembo et Yumbi. Une décision qu’ils qualifient d’inopportune. Le couac dans cette décision, font-ils savoir, provient du fait que la publication des résultats définitifs de la présidentielle aura lieu le 15 janvier 2019. Ce qui, en clair, veut dire que le nouveau président élu prêtera serment le 18 janvier alors que Yumbi (Mai-Ndombe), Butembo et Beni (Nord-Kivu) n’auront pas (encore) voté, les élections dans ces zones étant renvoyées au mois de mars 2019.

Pour se dédouaner, la Céni invite tout le monde à se référer à la loi électorale. Jean-Pierre Kalamba, son rapporteur, s’en est expliqué ce 26 janvier en ces termes au cours d’un échange avec la presse : « C’est une matière qui est réglée par la loi électorale. En cas de circonstance exceptionnelle, si la Céni ne parvient pas à organiser une élection dans une ou plusieurs circonscriptions, la procédure est claire. On tient compte des voix valablement exprimées disponibles.  Allez lire l’article 84 des mesures d’application. C’est ce qui va se passer ».

Et d’évoquer un cas de jurisprudence en prenant l’exemple des élections de 2011 dont les résultats ont été proclamés sans le territoire de Bafale où les scrutins ont été annulés. « On a vu aux USA, alors qu’on recomptait les voix de Caroline, les résultats étaient rendus », a-t-il ajouté, comme pour corser son argumentaire sans trop convaincre des journalistes restés sur leur soif. Et de marteler sèchement : « Ce n’est pas le débat. C’est la loi. La loi est dure mais c’est la loi. À l’impossible nul n’est tenu ! ».   Au total, les voix des 1 247 600 électeurs ne seront pas prises en compte au soir du 30 décembre. Moïse Katumbi, l’un des principaux soutiens du candidat à la présidentielle Martin Fayulu, accuse carrément le régime en place de manœuvrer pour s’éterniser au pouvoir. « Nangaa et la Céni ont prouvé leur mauvaise foi et leur incompétence. Les Congolais doivent se prendre en charge », a-t-il twitté. Du côté de la coalition au pouvoir, la tendance est de laisser libre champ à la Céni, la seule institution habilitée à organiser les élections, dont les décisions sont prises en connaissance de cause.              

À la Nouvelle dynamique de la société civile, le maître mot demeure la démission de Corneille Nangaa et de son équipe. « Comment la Céni compte proclamer un élu à la présidentielle en janvier alors que plus d'un million de Congolais devront encore se prononcer au mois de mars ? La Céni ouvre grandement les portes à des contestations et violences électorales », a fait observer cette structure de la société civile dans une déclaration publiée ce mercredi. Et d’inviter l'ensemble de la population « à résister pacifiquement avec détermination et patriotisme à ces parodies d'élections que veut organiser M. Nangaa et son équipe qui confirment leur inféodation au pouvoir en place ».   

Alain Diasso

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