Province de l'Ituri: la situation sécuritaire ménace le processus électoral

Mardi 6 Février 2018 - 16:43

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L’insécurité qui prévaut à Djugu, depuis le week-end dernier, risque d’impacter négativement le calendrier électoral, si des mesures urgentes ne sont pas prises, a déclaré, le 5 février, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

La situation sécuritaire dans la province de l’Ituri devient de plus en plus inquiétante. Les violences intercommunautaires de ces derniers temps ont laissé un arrière-goût amère au regard du gâchis que cela a causé. Les Lendu et les Hémas, qu’on croyait assagis après tant d’années de disputes, ont fini par déterrer la hache de guerre pour se livrer à de nouvelles scènes de violence. Le week-end dernier, une attaque dirigée contre les membres de la tribu Hema, en territoire de Djugu, a été enregistrée. Considérant le mode opératoire des assaillants venus en grande masse munis d’armes blanches et dépouillés de leurs habits, d’aucuns ont vite compris qu’il s’agissait bien des combattants Lendu.

Ces derniers, sans état d’âme, et avec un cynisme qui n’avait d’égal que leur volonté de nuisance, ont brûlé des cases, emporté des biens et éliminé des personnes qui leur résistaient, laissant derrière eux, désolation et tristesse. Le bilan provisoire fait état de vingt-quatre civils tués, douze blessés, quinze villages incendiés. La riposte, quoique tardive, des Hémas a donné lieu au massacre d’une douzaine des combattants Lendu tués dans la foulée des représailles. Vu la gravité des faits et surtout les dommages causés,  deux jours de deuil (lundi et mardi) ont été décrétés avec arrêt de toutes les activités commerciales

Ce regain de violence en Ituri représente un grand danger pour le déroulement du processus électoral qui pourrait en subir négativement les effets. C’est en tout cas le sens des appréhensions exprimées à ce sujet, le 5 février, par Corneille Naanga, alors qu’il recevait à son cabinet de travail le caucus des députés nationaux de l’Ituri. Le président de la Céni a alerté ses interlocuteurs sur le danger qu’encourt le processus électoral du fait de la persistance de l’insécurité dans cette partie du pays. En effet, a-t-il précisé, le calendrier électoral risquait d’être sérieusement hypothéqué,  si aucune mesure urgente n’est prise à ce stade. Corneille Naanga a appelé à l’implication urgente des autorités politico-administratives tant nationales que locales pour sauver le processus électoral en cours qui tend à arriver à son terme.  « Cette situation déplorable a déjà causé plusieurs pertes en vies humaines et des déplacés internes ainsi que des réfugiés. C’est une situation qui risque d’impacter négativement sur le calendrier électoral si rien n’est fait.», a soutenu Corneille Naanga.

Plus de soixante mille morts à l'époque

Pour la petite histoire, les violences intercommunautaires entre les Lendu et les Hemas, en Ituri, remontent à1999 avec, pour élément détonateur, un conflit foncier tournant autour du contrôle de cette partie du pays réputée riche en or. Plus de soixante mille morts et six cent mille déplacés, d’après Human Rights Watch. Tel est le triste bilan des affrontements entre les deux communautés rivales qui nécessitèrent à l’époque l’intervention de l’Union européenne via Artémis placé sous commandement français. Ce fut l’une des toutes premières opérations à s'inscrire dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense.

Cette reprise de la violence en Ituri traduit la fragilité du processus de réconciliation entre les deux communautés rivales alors qu’on se rapproche des élections. De quoi douter de la tenue réelle des scrutins à échéance échue, lorsqu’on sait que les impératifs sécuritaires font partie des contraintes égrenées par Corneille Nannga Naanga pour justifier éventuellement le report des élections. Qu’à cela ne tienne. Aussi l’Etat congolais est-il appelé à jouer "convenablement son rôle régalien de protection des civils et de leurs biens" et de rechercher "les coupables".

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

L'Ituri n'a jamais cessé de compter ses morts

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