RDC : l’Union européenne accepte la traçabilité des minerais

Jeudi 21 Mai 2015 - 19:30

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Socialistes et démocrates au sein du Parlement européen crient à la victoire morale historique : les « minerais du sang » ne vont plus circuler en liberté !

Par un vote opéré mercredi à Strasbourg où il siège, le Parlement européen a opté pour l’obligation de transparence dans les filières d’importation des minerais et métaux provenant de zones en conflit. Le vote, clament les socialistes et apparentés, a été obtenu de grande lutte grâce à un amendement apporté à une proposition de la Commission européenne qui n’était pas aussi explicitement formulée dans le sens de bannir les minerais et métaux précieux qui financent les guerres. Et les regards de soulagement se portent surtout vers la République démocratique du Congo (RDC).

On se rappelle qu’au début du mois dernier, les socialistes européens avaient organisé une mission d’information dans ce pays conduite par l’Italien Gianni Pittela. Elle  comprenait notamment la députée européenne et italo-congolaise Cécile Kyenge Kashetu. «Notre objectif immédiat est de faire adopter une législation contraignante sur la traçabilité des minerais », indiquait alors M. Pittela. «Ces minerais sont la cause de tant de guerres, de sang versé et de l’exploitation des mineurs ». Son groupe a apparemment tenu parole, au point qu’il peut aujourd’hui claironner avec des accents triomphalistes. « Nous avons démasqué le cœur de ténèbres de la droite en Europe, sensible à la seule influence des lobbies. Nous ne pouvons accepter que les (téléphones) cellulaires, les tablettes (numériques) et les téléviseurs que nous utilisons tous les jours soient construits avec des matières importées qui alimentent de sanglants conflits comme celui qui affecte le Congo depuis des années », a affirmé Mme Patrizia Toia. Membre du Parti démocratique d’Italie (PD, gauche) et chef du groupe socialiste au Parlement européen, elle a dit pis que pendre des atermoiements de ses pairs de droite sur la question.

« En plus, avec le vote d’aujourd’hui, nous avons abordé de front une des causes profondes des flux migratoires générés par les conflits et la pauvreté. Nous évitons à l’Europe une honteuse contradiction et redonnons de la crédibilité à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Nous espérons seulement que la procédure législative se poursuivra sans embuches, et recevra l’appui de l’Union européenne au Conseil », a ajouté Mme Toia. Il est un fait que la droite parlementaire avait tenté de bloquer le projet de loi, et qu’elle sera sans doute tentée d’en limiter ou retarder l’application. Le texte dispose notamment que les importateurs européens d’étain, tantale, tungstène et d’or pour la production de biens de consommation courante devront être soumis à une certification préalable.

Les humanitaires aux anges

Les associations humanitaires et caritatives applaudissent à cette décision « historique ». Amnesty International, d’habitude avare de compliments, a souligné : « Aujourd’hui les membres du Parlement européen ont écrit l’histoire en votant pour une loi très forte et très contraignante sur le commerce mortel des minerais ». L’instant est salué par tous : «  C'est un vote qui détermine la position avec laquelle le Parlement entre en négociations avec les États membres de la Commission européenne pour aboutir à un accord final. Le moment est historique », commente pour sa part Michael Gibb de l’ONG Global Witness.

Il estime que malgré les efforts « convergents du grand lobby » pour contrecarrer l’avènement d’une telle ère, l’Europe se place aujourd’hui en position de force « pour purifier le commerce des minerais et encourager les sociétés à chercher leurs matières premières de manière à en faire retomber les bénéfices sur les communautés locales, pas les groupes armés ». Pour lui, c’est sûr, par ce geste, le Parlement européen envoie un signal clair : les entreprises ne peuvent plus fermer un œil sur les risques de violations des droits humains à l’étranger qu’entraîne leur activité.

La « victoire de conscience du Parlement européen », selon l’expression de Gianni Pittela qui a fortement œuvré pour que les Européens en arrivent là, a également été saluée par une autre protagoniste de poids de la cause de la paix, notamment en Afrique: l’Église catholique et ses nombreuses organisations de volontaires sur le terrain. À Rome l’une d’elles, la CISDE (Alliance internationale des agences de développement catholiques), est notamment présente à l’est de la République démocratique du Congo.

Son secrétaire général, Bernd Nilles, souligne la grande satisfaction que cette décision suscite. « La CISDE et ses membres, ensemble avec les évêques catholiques et les citoyens du monde, accueillent favorablement le message fort que le Parlement a adressé à la Commission européenne et à son Conseil ». Mais il avertit que la bataille est loin d’être gagnée définitivement. « Il s’agit d’un grand pas en avant pour le respect des droits humains. Les États membres de l’Union européenne ne peuvent plus faire marche arrière sur cette avancée durant les tractations finales », ajoute-t-il.

Lucien Mpama

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