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Réformer l’ONU ? Oui, mais comment ?

Samedi 14 Mars 2015 - 11:45

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Deux raisons qui se conjuguent rendent indispensable une réforme fondamentale de cette institution dont la mission première était de faire régner la paix à travers le monde, mais qui s’enlise au fil du temps dans une sorte de paralysie infiniment dangereuse : la première est la montée continue des tensions entre les « Grands » qui la dominent grâce au Conseil de sécurité, la deuxième est le poids croissant du « Monde émergent », autrement dit de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique latine.

Le processus destructeur que nous voyons se développer sous nos yeux est exactement le même que celui qui conduisit à l’effondrement de la Société des nations créée au lendemain de la première Guerre mondiale dans le but de prévenir une nouvelle et mortelle crise internationale. Il résulte de l’incapacité des puissants de ce monde à résoudre les crises de toute nature qui menacent la paix du monde, ce qui permet aux extrémismes en tous genres de proliférer et conduit aux violences les plus extrêmes.

La raison pour laquelle une réforme de l’Organisation des Nations unies s’avère  aujourd’hui indispensable est que les pays membres permanents de son instance suprême, le Conseil de sécurité, en sont venus progressivement à ne plus gérer que leurs propres intérêts (1). Certes ils proclament, la main sur le cœur, que l’humanité peut compter sur eux pour faire régner la paix sur toute l’étendue de la Terre, mais dès que leur intérêt propre se trouve concerné, on les voit se diviser, se disputer, s’affronter verbalement, ce qui aboutit en fin de compte à la paralysie pure et simple du système.

Croire, dans un tel contexte, que la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume Uni et la Russie pourront gérer efficacement les crises de plus en plus violentes qui secouent le monde – voyez ce qui se passe au Proche et au Moyen Orient, en Europe de l’Est avec la crise ukrainienne, en Asie du Sud avec l’affrontement larvé de la Chine et du Japon – relève du phantasme pur et simple. Si rien n’est fait pour reconstruire l’ONU, vous verrez qu’un jour ou l’autre naîtra de ce désordre une crise mondiale que personne ne sera capable de gérer.

La seule manière de procéder aujourd’hui pour revenir à la raison et mettre l’humanité à l’abri d’une nouvelle secousse planétaire serait de fonder la nouvelle Organisation des Nations unies non pas, comme aujourd’hui, sur les rapports de forces nés du dernier conflit mondial, il y a soixante-dix ans, mais sur le poids réel des masses humaines vivant à travers le monde. Alors, en effet, la géopolitique reprendrait ses droits avec une répartition du pouvoir dans les instances internationales fondée sur la réalité démographique et non sur des influences dépassées.

Pour comprendre que ce qui précède relève du simple bon sens, il faut avoir présent à l’esprit le fait que les membres permanents du Conseil de sécurité représentent moins du quart de l’humanité – à peine deux milliards d’hommes sur près de huit milliards au total – et qu’ils sont, de ce fait, incapables de prendre en compte l’intérêt général de l’espèce. Un tel déséquilibre et le manque de légitimité que celui-ci révèle ne peuvent, à terme plus ou moins rapproché, qu’aggraver les crises en cours ou à venir. Certains signes laissent même prévoir qu’il pourrait bien se trouver à la base d’une nouvelle secousse planétaire.

L’Afrique, pour ne parler que d’elle, a aujourd’hui toutes les cartes en main – démographique, économique, environnementale, culturelle – pour ouvrir le débat qui permettrait de corriger les défauts de la gouvernance mondiale. Va-t-elle s’en convaincre tant qu’il en est temps et trouvera-t-elle en son sein une voix suffisamment puissante pour faire entendre ce qui est écrit sommairement ici ?

 

  1. Le Conseil de sécurité des Nations unies comprend quinze membres. Cinq sont permanents : la Chine, les États-Unis, la Russie, la France, l’Angleterre. Dix sont non permanents et élus pour deux ans seulement : actuellement l’Angola, le Chili, l’Espagne, la Jordanie, la Lituanie, la Malaisie, le Nigéria, la Nouvelle Zélande, le Tchad et le Vénézuela. À ce jour, soixante États n’ont jamais été membres de cette institution.
Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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