Réformes judiciaires : trois propositions de loi perturbent la sérénité à l'Hémicycle

Mercredi 24 Juin 2020 - 17:43

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L’UDPS, qui juge anticonstitutionnels ces projets de loi initiés par leur partenaire du FCC à l’Assemblée nationale, a vu ses militants assiéger le 24 juin le Palais du peuple et se livrer à des actes de vandalisme pour, disent-ils, empêcher leur adoption par les députés.  

La journée du 24 juin n’aura pas été de tout repos pour les forces de l’ordre dont la capacité de contenir les manifestants de l’UDPS a été mise à rude épreuve. Autour de l’Hémicycle du Palais du peuple, point de chute de leur croisade, ces militants venus de quatre coins de la capitale ont fait du boucan, prêts à réduire en cendre le siège de l’institution parlementaire. Des centaines des motocyclistes clamant leur appartenance à l’UDPS ont brûlé des pneus et saccagé tout autre symbole visible du Front commun pour le Congo (FCC). Certains cadres de ce regroupement politique ont vu leurs maisons et immeubles saccagés à l’instar d’André Kimbuta, Ngoy Kasanji et Jean Marie Kassamba.   

« La tension était telle qu’on a frôlé la catastrophe », a expliqué un député national, empêché avec tous ses collègues d’accéder dans l’enceinte du Palais du peuple. Les « wewa », ces ultra tshisekedistes ont fait la loi, jusqu’à perturber l’agenda de deux chambres du Parlement qui n’ont pas pu se réunir. Les éléments de la police, qui ont reçu des instructions nettes de ne pas user des tirs à balles réelles, ont eu recours aux gaz lacrymogènes pour tenter de disperser les manifestants, souvent sans succès. L’objectif visé par les manifestants était de ne pas laisser passer les trois projets de loi initiés par les députés du FCC, Aubin Minaku et Garry Sakata, en rapport avec les réformes judiciaires.       

Jugées recevables, les trois propositions de loi sont en cours d’examen à la commission PAJ pour amendement avant son adoption à la plénière. Pour les manifestants qui y voient une tentative du FCC de museler le système judiciaire en RDC tout en mettant un bémol à la dynamique de l’Etat de droit, il fallait empêcher, à tout prix, l’adoption desdits projets de loi qualifiés d’anticonstitutionnels. Chauffés à blanc par des politiciens réfractaires à l’idée de réformer le secteur judiciaire, les militants de l’UDPS ont tenté de se faire justice. Au nombre d’arguments brandis pour réfuter les propositions de loi en question, il est fait état, entre autres, de la volonté de leurs initiateurs de renforcer le pouvoir d’injonction du ministre de la Justice en lui permettant de sanctionner, par mesures conservatoires, certains magistrats reconnus coupables d’infractions.   

Bien plus, cette tentative est perçue comme une manœuvre dilatoire du FCC visant à confisquer le pouvoir des procureurs de la République et, surtout, à couvrir les délits et crimes commis durant le règne au pouvoir de Joseph Kabila. Le regroupement politique de l’opposition « Lamuka » est allé même plus loin en parlant d’un coup fatal porté sur le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs dans la mesure où cette initiative « présente un risque d'intrusion du gouvernement dans l'activité quotidienne du magistrat et celle du Conseil supérieur de la magistrature d'une part et d'inanition du pouvoir de l'action du ministère public d'autre part ».

Une opinion que ne partagent pas les membres du FCC. Ces derniers estiment que les trois propositions de loi ne heurtent ni l'indépendance du pouvoir judiciaire, ni la séparation des pouvoirs, proclamées et garanties par la Constitution du 18 février 2006. Selon eux, les trois projets de loi sous examen au niveau de l’Assemblée ne visent que le renforcement des dispositions de la Constitution, et rien de plus.   

Notons qu’au nombre d’innovations introduites par ces projets de loi figure l’Institution d'une conférence de procureurs comme cadre de concertation et d'échange en vue de la définition de la politique criminelle, présidée par des ministre de la Justice. Ils prévoient également la possibilité pour le ministre de la justice de prendre des mesures conservatoires à l'encontre d'un magistrat du parquet défaillant sans définir les cas considérés comme de défaillance). Le ministre de la justice peut également, selon ces initiatives de loi, interférer dans le choix et nomination des magistrats de la Cour constitutionnelle. Dossier à suivre.

Alain Diasso

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