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Regard sur les cinquante dernières années (1965-2015) Suite du numéro précédent (41)

Jeudi 20 Octobre 2016 - 14:26

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Le 5 juin 1997, la machine politique s’enraye et devient folle. L’histoire s’est brusquement accélérée après les borborygmes débités dans les médias des politiciens congolais qui ont choisi la guerre. Ils ont toujours été dans la posture de la confrontation avant de rechercher le dialogue. Attitude proprement schizophrénique. Les premiers bruits des armes lourdes sonnent le tocsin avant que ne retentisse à travers monts et vaux le glas. La mythologie de la nation congolaise s’est effondrée avec son cortège de blessures, d’horreur, de désenchantement et d’illusions perdues. Le pays est déchiré, les populations accablées de toutes sortes de maux. C’est l’enfer.

La Semaine Africaine, malgré cette situation apocalyptique continue de paraître. Dans le numéro 2125 de ce journal, Joël Nsoni écrit : « Toute la nuit de jeudi 5 à vendredi 6 juin, il n’y a aucun répit: les armes de toutes sortes crépitent… on se bat au centre-ville, au plateau des 15 ans, et vers le camp de la gendarmerie, à Moukondo. On se bat aussi autour de l’aéroport. L’avenue de la Paix à Moungali constitue la ligne de front. Les combats sont violents. Les deux camps utilisent l’artillerie lourde. Dans une interview à Rfi, le président des Fdu (Forces démocratiques unies), M. Denis Sassou N’Guesso donne sa version des faits : « Nous avons été agressés, nous sommes dans la légitime défense », déclare-t-il. Toujours sur les antennes de Rfi, Victor Tamba-Tamba, ministre d’Etat, depuis Paris, accuse plutôt directement l’ancien chef de l’Etat en ces termes : « les événements de Brazzaville signifient une tentative de prise de pouvoir par la force ».

De toutes les balafres de l’histoire récente, la guerre du 5 juin, évitable au demeurant, est celle qui a causé au pays et à sa population les plus grands traumatismes. C’est la plus longue et la plus meurtrière de toutes nos guerres picrocholines. Le 5 juin, c’est le crépuscule de nos espoirs de rédemption après la conférence nationale souveraine qui a raté l’occasion de changer de République. Nous en payons encore le prix. Comme l’écrivait Grégoire Lefouoba, dans un article paru dans La Semaine Africaine n°2103 du jeudi 9 janvier 1997, « La tribalisation à outrance du phénomène politique surtout avec la démocratie pluraliste renforce le système de parrainage et de lutte fratricide. La compétence au lieu d’être nationale, s’ethnise, se régionalise, se tribalise et enfin devient un lieu d’affrontement local ». Ce constat rejoint celui du Professeur Miyouna-Ntetani dans le même journal, n°2124 du jeudi 5 juin 1997, qui écrivait : « Le Congo se démultiplie dans la valse des micro-nations en perpétuelle atomisation, parrainées par les élites politiques (ministres, députés, responsables de partis) qui les transfigurent en groupes de pression pour féconder des consciences atrophiées, sur l’arène de la nation. En témoigne la vertigineuse floraison des associations à forte connotation géographique ». Une autre constante de la vie politique congolaise est épinglée par le Pr Miyouna-Ntetani : « je sais, écrit-il, que les courtisans sont toujours prompts à vous jurer leur amour insigne sur la tombe de leurs ancêtres. Ils sont aussi toujours les premiers à trahir à la fin de chaque saison prometteuse, eux qui ont besoin … de lancement pour évoluer dans la bienheureuse hiérarchie politique de l’Etat ». Tribalisation, dilution du sentiment national, courtisanerie sont quelques-unes des formes de perversion de la démocratie au Congo. La guerre du 5 juin est la résultante de ce maelström. Elle prend fin le 15 octobre avec la débâcle de Pascal Lissouba et de ses affidés. L’exil leur tend les bras.

La versatilité, l’inconstance et la frivolité sont les caractéristiques de la vie politique congolaise, terre d’invectives et de déchirements. On a ici une nouvelle fois la preuve que les hommes d’État de premier plan manqueront toujours à ce pays. Le retour au pouvoir de Denis Sassou N’Guesso inspire de l’espérance dans ce monde en déréliction et en plein désespoir. Son retour signe la transition post-démocratique. L’Etat se remet lentement de son délitement et la vie reprend progressivement ses droits. Mais le mal est fait. On ne sort pas indemne de la guerre. Ses séquelles résistent au temps. Depuis cet épisode dévastateur, la paix, rêve plutôt que projet, est désormais introuvable. C’est le nouveau credo politique. Ainsi va la vie au Congo.

 

MFUMU

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