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Rencontre avec Claire Tawab, adjointe au maire de Grigny (Essonne/France)

Samedi 9 Novembre 2013 - 8:15

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Claire Tawab, originaire de RDC, est adjointe au maire de la ville de Grigny en Île-de France et membre du Collectif des élus locaux français originaires du Congo-Kinshasa (Cefock). Une rareté dans le paysage politique français où les femmes sont rares et les femmes noires encore plus. Un parcours de réussite sur lequel elle est revenue pour Les Dépêches de Brazzaville

Claire Tawab, adjointe au Maire de la ville de Grigny en région parisienne (crédits DR)Les Dépêches de Brazzaville : Comment êtes vous venue en France ?
Claire Tawab :
Je suis arrivée en France en 1986 pour suivre des études de droit, car je suis une personne férue de justice. Par un concours de circonstances familiales je n’ai pu aller au bout de mes études et j’ai dû opter pour un cycle court de BTS en comptabilité-gestion, équivalent de bac+2. Mes rêves étaient brisés et j’ai dû rentrer dans la vie active. J’ai fait toutes sortes de petits boulots pour financer mes études. J’ai été confrontée aux réalités de la vie en France et j'ai dû apprendre à me prendre en charge. À la fin de mes études, j’ai rencontré beaucoup de difficultés pour trouver un travail à mon niveau de compétences. Dans les années 1980-1990, ce n’étais pas facile de trouver un bon travail avec les problématiques de statut. J’ai donc dû me résoudre à continuer à exercer des petits boulots.

LDB : Qu’est ce qui vous a fait vous engager en politique ?
CT :
Au hasard d’une invitation, j’ai été à une première réunion politique organisée dans ma ville.  J’ai pris l’habitude de me rendre à ces réunions et j’y ai pris goût car on y parlait de choses qui touchaient le quotidien : comment aménager la ville, s’occuper des autres et du bon vivre ensemble... J’y ai rencontré des personnes qui donnaient de leur temps et de leurs compétences au service des autres. Je venais d’avoir 30 ans et ma fille était encore toute jeune. Dans les années 1990, je faisais figure d’exception : beaucoup de gens de la communauté se contentaient d’occuper des emplois précaires car ils avaient des problèmes de  régularisation ou bien pour financer leurs études. Les gens se sont dit : « On va voir où cela va la mener. »

LDB : Comment vos fonctions d'adjointe au maire sont-elles perçues dans la communauté ?
CT :
Aujourd’hui je reçois beaucoup de respect parce que ce n’est pas quelque chose de courant. La politique dans nos familles africaines est quelque chose de lointain. Ceux qui sont venus en France l’on fait pour trouver une vie meilleure ou un épanouissement personnel au travers du travail, de la naissance de leurs enfants mais cela ne passe pas par l’implication dans la vie politique. Les jeunes en revanche sont réceptifs à mon parcours, surtout les jeunes filles. Elles ont conscience qu’il y a de la place en politique pour faire avancer certaines choses, surtout celles qui sont nées ici en France. La politique, c’est donner à l’autre, il s’agit avant tout de travailler pour les autres, essayer de rendre une vie sociale abordable à tout le monde et donner les moyens d’avancer.

LDB : Quelles sont vos missions à la ville de Grigny ?
CT : Je m’occupe du suivi des conseils d’école, c'est-à-dire des réunions de parents d’élèves organisées chaque trimestre pour faire le bilan scolaire des enfants. Je vis dans un quartier populaire avec une diversité de cultures où la mentalité  pour certains est  que lorsque l’on dépose l’enfant à la porte de l’école cela suffit, et les enseignants prennent en charge tout le reste. Mais ici en France, cela ne se passe pas ainsi. Les parents doivent participer à l’éducation : accompagner l’enfant avec ses devoirs, s’impliquer dans les études. C’est aussi un moyen pour découvrir le système éducatif français, et c’est une forme d’éducation pour les mamans, car ce sont souvent les femmes qui amènent les enfants à l’école. Jusqu'à aujourd’hui en 2013, il y a des femmes qui restent invisibles du fait du poids des traditions et des coutumes de leur pays d’origine. Or pour s’intégrer complètement dans la société française, il faut s’assumer totalement en tant que femme.

LDB : Quel liens gardez-vous avec le Congo ?
CT : Des liens familiaux et en tant qu’élue également dans le cadre de la coopération décentralisée. Je suis en contact avec des associations qui travaillent en direction du pays telle que Congo na Bisso et Vandale agricole. Avec la ville de Grigny, nous sommes engagés dans des actions de solidarité avec différentes associations dans le cadre de projets de ville mais cela reste des actions isolées. Il y a des lignes budgétaires dans les collectivités et départements de France pour accompagner des actions de solidarité mais sur des projets et des personnes identifiés. Car lorsque nous nous engageons pour un projet en tant qu'élus, nous donnons notre parole, et la concrétisation du projet relève de notre crédibilité.

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou

Légendes et crédits photo : 

Photo : Claire Tawab, adjointe au maire de la ville de Grigny en région parisienne. (© DR)