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Ruée vers l'Afrique : les soutiens d'État sont-ils conformes aux règles de concurrence internationale ?

Lundi 9 Février 2015 - 11:28

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France, États-Unis, Inde, Chine …, les « Forums Afrique » se multiplient aux quatre coins du monde avec, chaque fois, leur lot d’annonces par le pays hôte de concessions commerciales. Mais aussi de mesures d’accompagnement destinées à aider ses entreprises nationales à conquérir des parts de marché en Afrique. Ces aides sont-elles conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ? Éclairage avec Giovanni Valensisi, conseiller économique à la division du Commerce et de l’intégration régionale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique.

Les aides d’État aux industries pour conquérir des parts de marché à l’étranger sont-elles conformes aux règles de libre-échange international ?

La question est très délicate. Pour les produits agricoles, il existe des règles au niveau de l’OMC : certaines subventions sont considérées comme ayant des effets de distorsion de la concurrence sur le marché international (les subventions des catégories comme «orange et bleue»). Pour ce type de subventions, les pays développés sont soumis à des limites de montant qui diminuent dans le temps. L'autre forme de subventions, qui sont découplées de la production, sont considérées comme non discriminatoires ou causant une distorsion minimale, et sont donc encore autorisées. Ce sont les subventions dites de « catégorie verte ». Il s’agit par exemple de subventions destinées à aider au financement de modes d’agriculture plus écologique ou subventionnant la souscription de certaines polices d’assurance. Pour ces subventions il n’existe pas de plafond. Depuis l'entrée en vigueur de l'Accord sur l’agriculture en 1994, de nombreux pays, notamment en Europe et les États-Unis, ont transféré les financements de l’agriculture des subventions interdites en vertu de l'accord de l'OMC aux subventions de « catégorie verte ». Pour les produits non-agricoles, il n’y a pas de règle au niveau de l'OMC. Et donc, il n'y a pas de définition convenue à niveau multilatéral de ce qui est considéré comme une aide d'État. L'UE a certaines dispositions qui interdisent le soutien de l'État aux industries, mais seulement dans le contexte de l'accord régional européen.

La question d’imposer des limites pour les produits industriels est-elle en cours de discussion ? Quid des aides à l’agriculture ?

Les discussions sur l'agriculture sont en cours depuis un certain temps sans que l’on ait pu parvenir à un accord. Les positions se sont rapprochées durant l'été 2008 au cours du cycle de négociations de Doha. C’est le plus proche que nous ayons été d’un accord sur l'agriculture. À ce niveau, deux questions se posent concernant les produits de l’agriculture. Les pays développés estiment que les pays émergents comme la Chine et l'Inde subventionnent également beaucoup leur production ; donc ils voudraient reformer profondément le texte de négociations (techniquement les modalités) de 2008. Les pays en développement se défendent en arguant qu'ils ont encore de larges portions de populations pauvres, en particulier dans les zones rurales, qui ont besoin de soutien. Ils font également valoir que les pays développés octroient grosso modo le même montant de subvention qu’avant 1994 et se sont contentés de passer d’une catégorie à l’autre de subvention. Pour les produits industriels, le problème est en cours de discussion, mais ce que seront les différentes positions n’est pas encore tout à fait clair parce qu'il n'y avait pas de réglementation avant. D’ailleurs, la question est parfois incluse dans les accords bilatéraux, à travers de clauses spécifiques de concurrence, ou qui limitent les recours aux subventions à l’exportation.

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou