Saint-Valentin : maman, je t’aime !

Jeudi 13 Février 2020 - 22:00

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C’est aujourd’hui le jour de la Saint-Valentin. Et si je faisais ça dans les règles de l’art ?  La tradition voudrait que j’offre des roses rouges, symboles de la passion, mais je n’en ai pas trouvées au grand marché alors j’ai acheté deux pigeons verts.

Roses rouges ou pigeons verts, il n’y a que la couleur qui change et le symbole reste aussi fort puisqu’on ma dit qu’au XIVe siècle, en Grande Bretagne, le 14 février, jour de la Saint-Valentin, était considéré comme la fête des amoureux car l’on pensait que c’était le jour où les oiseaux choisissaient leurs partenaires.  J’étais donc avec mes deux pigeons verts emballés soigneusement dans du papier journal où un article, citant Antoine de Saint-Exupéry, disait que « l’amour n’était pas se regarder l’un et l’autre mais regarder ensemble dans la même direction ». N’ayant pas encore trouvé ma Valentine, j’ai donc décidé de regarder seul dans la même direction pour faire à peu près comme ceux qui sont en couples et me donner l’allure d’un amoureux.  Après avoir hésité sur la direction à regarder, je suis finalement retourné sur mes pas, car la vendeuse de pigeons verts devait être bien instruite pour envelopper ses marchandises dans un aussi beau journal. Tandis que je lui parlais de Saint-Exupéry et de ma solitude, elle m’informa que je n’étais plus à la page et que la Saint-Valentin était devenue, au milieu du XIXe siècle, une fête commerciale aux Etats-Unis  où l’on vendait des cartes que s’échangeaient les amoureux.

J’ai trouvé ma Valentine…

Par le plus grand des hasards, la vendeuse de pigeons verts s’appelait Valentine et, à lire dans ses yeux verts, comme les pigeons, il semblait écrit que c’était là mon jour de chance. D’une voix assurée, je lui proposais donc de dîner avec moi en soirée et, sans hésitation aucune, elle accepta mon invitation. Valentine était non seulement instruite mais également bien informée : «  J’ai vu sur le Net qu’il y a un restaurant du centre ville qui propose un carré d’agneau laqué au miel d’Oyo et thym avec fagot de haricots verts, un dîner pour deux avec nuit à l’hôtel et petits déjeuners pour 130 000 Frs », lâcha-t’elle dans un sourire immense. «  Ah ! Vous n’aimez pas les pigeons verts ? », dis-je avec le regard de l’amoureux qui venait de naître en moi. J’ai ensuite enchaîné en lui parlant d’oiseaux, de roses rouges pour conclure qu’un dîner aux chandelles, dans mon deux-pièces chambre salon, serait certainement plus romantique.  L’idée du dîner aux chandelles me semblait un coup de génie car le courant était parti depuis deux jours au quartier et que j’avais quelques doutes à ce que E2C éclaire mon jour de chance.  A mieux réfléchir, et s’il fallait changer le menu, je me disais aussi qu’il y avait bien Ousmane, mon ami ouest-africain, au grand marché pour me faire crédit et me couper deux bouts d’agneaux en carré.  Valentine fut étonnamment surprise lorsque je sortis mon anticomplexe pour enregistrer son numéro de téléphone. « Ah ça vraiment ! Kié kié kié !  Moi, je rêve du iPhone 11  Pro Max,  avec l’écran Super Rétina XDR, ça ferait un joli cadeau et de jolies photos pour notre soirée », s’enthousiasma-t-elle.  Moi, les trucs californiens, je n’ai pas trop confiance, lui ai-je dit mollement.  

Maman Je t’aime…

Le soir venu, ma mère qui avait bravé la pluie était arrivée tous sourires dehors, avec du charbon, pour préparer les carrés  d’un vieux mouton sur le foyer, car Ousmane n’avait pas d’agneau,  en me promettant de s’éclipser dès l’arrivée de Valentine. Etait ce la pluie, le réseau téléphonique ou son téléphone déchargé mais, à l’heure du dîner, Valentine demeurait injoignable malgré mes appels incessants et je m’interrogeais de savoir pourquoi, me disant sans y croire qu’elle était peut être en route.  Cependant, en moi même, je m’étais rendu à l’évidence que Valentine ne viendrait pas. La mort dans l’âme, forcément, je ne croyais plus en mon jour de chance, jusqu’à cette bonne nouvelle. «  Le courant est revenu », a crié ma mère. Le mouton n’était pas très tendre et beaucoup trop cuit mais mangeable malgré tout, c’est fou comme Maman aime prendre soin de moi. Avec ma mère, nous avons beaucoup parler d’amour en dînant, chacun assis sur son zebi lamba et, à la fin du repas, j’ai offert deux pigeons verts à ma mère en l’embrassant très fort : «  Maman, je t’aime » !  

Philippe Édouard

Légendes et crédits photo : 

Des pigeons verts

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