Samba De Dieu (11)

Vendredi 30 Mars 2018 - 19:29

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

                                                                

Samba DD a lancé la mode des souliers rouge-et-blancs. Mais c’est une autre couleur, le rouge, qui lui procurera des déboires.

 Donc, Samba DD a bel et bien existé et il a travaillé. Il a fait avancer la cause de la chaussure. Et jusqu’au jour maudit où sa barbe attira l’attention de quelques plaisantins, il était un cordonnier pépère, ne se connaissant que deux ennemis officiels : un boucher maudit qui eut l’outrecuidance de lui reprocher une manière d’égoïsme dans la contribution à la démographie de notre pays, et les colères du père André Marie le jour où il lui arrivait de se présenter un peu pinté aux répétitions de la chorale. A part ça, rien : un saint homme. Un voisin des plus agréables dans son quartier. Et un artisan appliqué pour qui la vache s’évaluait d’abord par la qualité de sa peau, son cuir, futur matériau des mocassins et des souliers en étalage ou en réparation.
 Mais rien ne saurait être beau dans ce monde des hasards et des envies. Hasards et envies vous procurent toujours ce que vous n’avez pas désiré voir, entendre, subir, accepter ou rejeter.
 Pour Samba DD, ceux-ci, ainsi que nous l’avons entraperçu à l’épisode précédent, se matérialisèrent sous la forme de deux bottines rouges. De femme.
Que je vous explique : leur propriétaire est cette dame que Samba DD renvoya chercher une manière d’autorisation à réparer. Cette femme avait fini par lasser le quartier de Saint-Pierre. Les ragots s’étaient épuisés à dénoncer un vrai crime de lèse-majesté : porter des bottines par grand soleil, quand la plupart des délicates se ruaient plutôt vers les étals des « Wara », les Ouest-Africains ! Porter des bottines de cuir alors que tout le monde était aux sandales ! Bon marché peut-être, mais tellement pratiques pour se faufiler parmi les marchands, surtout par temps de pluie ! Qui ne le sait pas doit l’apprendre : une fois le marché terminé, la ménagère n’a qu’à présenter son pied sous le jet vivifiant d’un robinet, et voilà les crottins et les boues partis ! Essayez donc d’en faire autant avec des bottes rouges crottées, sans risquer de vous faire embarquer au poste pour attentat à la pudeur !
Tout est-il que notre élégante vint à bout de tout et de tous : des blablateuses professionnelles comme des commères enragées étouffant de jalousie ; des rivales auto-proclamées aux bigotes du vendredi se chauffant pour après la messe du dimanche. Rien n’y fit, pour aller au marché, revenir de l’église, la dame-aux-bottes avait toujours celles-ci aux pieds. Ce rouge insolent agaça, énerva, mais les gens finirent par se fatiguer et s’y faire. Ils ne trouvèrent plus aucune vanne suffisamment méchante contre « la dame-rouge », comme certains par raccourci finirent par l’appeler.
Il y eut bien – très peu – des gens pour la défendre. Mais à bien faire le compte, je crois que seul le boucher prit fait et cause pour « le rouge au pied ». Il parla d’une « noblesse qui ennoblissait les nobles ». Pétard mouillé, grenade sans goupille ne faisant pas suffisamment dans l’humour et pas du tout dans le persifflage. Les gens haussèrent les épaules et continuèrent de fabriquer leurs propres légendes sur la Dame rouge, comprennent que le boucher avait plus un faible pour la couleur, que pour la dame. Pas de quoi fouetter un chat !
Ces bottines rouges étaient, non pas au centre des quolibets mais regardées du coin de l’œil. Comme on regarde un coq à trois pattes. Ou une indéfinissable source de danger, ce qu’elles confirmeront bien, ainsi qu’on le verra la semaine prochaine.

Au prochain épisode, nous verrons le discours sobre de Samba DD devant des bottes rouges et sa propriétaire. A suivre.

Lucien Mpama

Notification: 

Non