Samba de Dieu

Vendredi 19 Janvier 2018 - 18:15

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Il serait très long de vous expliquer les circonstances : contentez-vous de me croire. D’ailleurs, ai-je jamais dit un seul mensonge de ma vie ? Si j’affirme que Samba DD fut un saint homme, y a-t-il besoin de passer par le droit canonique pour confirmer ses vertus ? Et puis, vous le savez bien : la sainteté peut se certifier tout de suite par acclamation. Par la rue. Par le flair. Par l’intuition. Par le détecteur de mensonge. « Santo subito ! »

Saint, l’homme l’était vraiment ; et je peux le dire. Qu’il n’ait laissé qu’un enfant en ce monde n’est pas de sa faute. Il s’y est mis avec une application de bonze, avec tout le sérieux conseillé au manuel. Mais quand on se mêle de démographie, il vaut mieux y penser à deux. Et puis, le prêtre l’a toujours assuré : quand on passe la bague au doigt d’une personne, c’est pour le meilleur et parfois pour le pire. Samba DD, lui, n’a eu l’illustration de cette formule que par sa moitié. Tout lui est allé de travers. Tout a foiré, même quand ses intentions étaient louables. Toujours lui revenait dans la gueule la moitié de cette formule cabalistique. Alors, il s’est laissé aller. A fait pousser sa barbe noire et drue, et s’est agrippé de plus belle à ses cuirs et à ses semelles. Car, pour le cas où vous ne l’auriez pas compris, Samba DD exerçait le plus noble des métiers sur cette terre des marcheurs : il était cordonnier. 

 Donc, je me crois investi d’une mission de salut public à son égard. Je le dis et l’affirme : il faut rétablir les faits dans leur juste proportion, ne pas se laisser aller aux démagogies qui ont desservi la figure d’un homme aussi pur. Il a été dit tellement de bêtises, la République a été à ce point ébranlée par des vérités fabriquées par d’obscures officines qu’aucun citoyen digne, connaissant les faits et les protagonistes d’aussi près que moi, ne saurait dormir sur ses deux oreilles (et d’ailleurs, le peut-on seulement en temps normal ?). Ce que les radios déverseront dans la minute qui suit sera fait, à 89%, d’approximations confectionnées par des esprits tordus et mal intentionnés dans le but de nuire à la mémoire d’un de ces hommes que la nature n’a tout simplement pas pu répliquer en exemplaires suffisants…

 Comment oser affirmer des choses qui, en d’autres temps, nous auraient fait rigoler tout doucement autour de quatre casiers de bière glacée ? Et puis, le pays n’a-t-il pas d’autres chats à fouetter, franchement ; des problèmes autrement plus graves et plus pressants ? Par exemple, la pelouse du Stade national demande à être tondue, oui ou non ? Il y a eu, hier, deux éboulements à Simba-Pelle, angoissant non ? Un saoulard a reçu une mangue mûre sur la poire alors qu’il cuvait son boganda tranquille. Nous dormons comme des anges quand de terribles menaces pèsent peut-être sur nous tous sans même nous demander dans quels quartiers de Brazzaville des martiens ont décidé d’user de mangues pour déranger des saoulards innocents. Extra-Musica est en panne d’inspiration, dit-on, cela ne vous dérange pas sans doute. Attendez seulement de voir, c’est la Nation en pleurs qui cherchera à la torche par où sont passées Racines et autres Racines 2. Voilà autant de sujets dont les médias devraient s’occuper ; pas d’un cordonnier. Surtout pas lui tisser un destin dépassant ses compétences de cordonnier ! Un cordonnier coordonne, sachez-le : il ne sait faire que cela. Dire le contraire, c’est- tout simplement contraire. Car même les mensonges restent des mensonges quand on veut les prêter à gage à qui ne veut pas.

Vous paraît-il sérieux qu’un cordonnier, tout aussi expert que l’ait été Samba DD, méritât de tenir la Nation en haleine (et à son corps défendant) alors que, ainsi qu’énumérées sans prétention exhaustive plus haut, la République a des angoisses autrement plus terribles ?

  Je me permets de poser les bases de cette prémisse pour bien mettre au clair que le sujet dont je vais vous parler est d’une importance capitale. Et que, qui l’a pris de haut ou même par la dérision, mérite les rigueurs d’une loi à cogiter.

                                                            (à suivre)

Par Lucien Mpama

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