Sergio Mattarella élu président de la République italienne

Dimanche 1 Février 2015 - 15:30

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Sicilien et constitutionnaliste de 73 ans, l’homme est réputé honnête. Il prend la relève de Giorgio Napolitano qui a démissionné au début du mois.

La nouvelle n’a pas été une surprise pour l’opinion en Italie même si leur nouveau président était jusqu’ici peu connu et peu exposé aux médias. Mais dans une stratégie politique faite de finesse à petites doses le président du Conseil, Matteo Renzi, a fini par infuser mercredi dernier qu’il avait choisi de porter son choix sur M. Mattarella au Quirinal, le palais présidentiel à Rome. Dès lors, les chances de l’homme étaient plus que sûres car Matteo Renzi, premier ministre et secrétaire du plus grand parti d’Italie, le Parti démocratique, n’a eu de cesse de jouer de l’une et l’autre casquettes.

D’abord dans ses propres rangs. Au sein du PD, il ne manquait pas de sujets de bougonner au cours de ces dernières semaines. Son choix de réaliser des réformes en s’appuyant sur ses principaux obstacles, Silvio Berlusconi et la droite devenus ses alliés de fait, a causé un malaise à la base du parti et à ses caciques. À droite aussi, une situation où il fallait applaudir au travail de son principal adversaire politique donnait des boutons. C’est pourquoi, jusqu’à la dernière minute, le Premier ministre a cajolé, parlementé, menacé : un coup à gauche, un coup à droite.

Au final, il a évité la dégradante surprise qui a accueilli la candidature de l’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi, lorsqu’il y a un peu plus de deux ans, il a été mis en échec par ses propres camarades de parti alors que tout l’indiquait vainqueur à la présidentielle. Dans un vote s’exerçant à bulletins secrets, il y avait tout à craindre des « francs-tireurs » comme on a appelé les députés et sénateurs qui, dans le secret de l’isoloir, ont passé outre les consignes du parti sans en donner l’air !

Matteo Renzi a su éviter cet écueil à Sergio Mattarella. L’homme a été élu samedi en obtenant  plus de 505 votes de « grands électeurs » nécessaires pour devenir président de la République italienne. Au final, ce sont 665 « grands électeurs », soit largement au-dessus de la moyenne des voix requises, qui l’ont choisi. En Italie, c’est l’assemblée des « grands électeurs », députés, sénateurs et 58 représentants de régions qui élisent le président de la République. Une majorité des deux tiers des 1.009 « grands électeurs » est requise lors des trois premiers tours, puis la majorité simple à partir du 4ème tour. C’est ce dernier tour qui a permis à M. Mattarella de devenir président de la République samedi.

Un président-arbitre

Elu pour sept ans, le président de la République en Italie a essentiellement des pouvoirs honorifiques. Mais il joue un rôle très important d'arbitre en cas de crise politique, ce qui a souvent été le cas ces dernières années. Giorgio Napolitano, qui aura 90 ans cette année, a su redorer le blason de cette fonction devenue, du coup, hautement stratégique surtout dans le contexte où le premier ministre Matteo Renzi, de gauche, devait amener vers lui le cacique et leader de droite Silvio Berlusconi pour une mission salvatrice pour la patrie. Il a fallu constamment arbitrer et appeler à se concentrer sur l’essentiel de cette classe politique tirant à hue et à dia.

Dès la nouvelle connue de son élection, M. Mattarella a vu affluer vers l’appartement romain de sa fille où il suivait le vote à la télévision, un flot de messages de félicitations. Si Matteo Renzi a tout de suite twitté « Bon travail, président Mattarella ! Vive l'Italie ! », des messages plus classiques lui sont aussi parvenus. Par exemple celui du pape François, qui a dit  de prier pour la bonne marche du pouvoir italien avec M. Mattarella comme président « éclairé par les valeurs spirituelles et humaines authentiques du peuple italien ».

L’élection de ce nouveau président apporte un grand soulagement dans la classe politique italienne qui se crispait devant l’incertitude. Même si des voix critiques se sont élevées, telle celle du comique Beppe Grillo à la tête du mouvement populiste « Cinq étoiles », tout le monde se dit satisfait. À l’exception notable peut-être de Silvio Berlusconi, les grands leaders ont bien accueilli de voir ce Sicilien catholique de 73 ans à la présidence de la République. M. Mattarella est entré en politique après l'assassinat par la mafia de son frère président de la région de Sicile en 1980. Il est passé à gauche dans les années 1990 parce qu'il trouvait que sa famille politique commençait à accorder trop de largesses politiques et économiques à Silvio Berlusconi, aujourd’hui homme le plus riche d’Italie.

Son mandat sera donc marqué aussi par l’attention que les observateurs accorderont aux rapports qu’il entretiendra avec celui-ci, sa bête noire. Plus généralement, il s’agit de voir si le Premier ministre Renzi et Berlusconi continueront de s’entendre pour mener à bien, gauche et droite ensemble, des réformes qui commencent à donner des résultats. Les commentateurs soulignaient l’inextricable de cette situation qui place Silvio Berlusconi sous l’étouffoir d’où il peine à donner des mots d’ordre même à ses troupes. Symbole de cette lente déchéance, Silvio Berlusconi était à Milan au moment du vote. Une décision de justice lui fait obligation de rester dans sa région tous les week-ends et ne pas venir à Rome, un comble alors que certaines voix de son propre parti portaient au pouvoir à l’assemblée son « ennemi » politique.

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Matteo Renzi : un virtuose de la politique

Le premier ministre italien Matteo Renzi, 40 ans tout juste, vient de révéler son habileté politique en conduisant au palais président italien Sergio Mattarella, un nom qu’il a su taire jusqu’à la dernière minute pour ne pas le griller y compris dans les rangs de son propre camp. Alors que les noms de Romano Prodi, Walter Veltroni (ancien maire de Rome) et autres Massimo d’Alema (ancien premier ministre de gauche) fusaient de partout, M. Renzi a su garder sa carte cachée.

En choisissant Sergio Mattarella, le premier ministre-secrétaire du parti a mis de l’ordre dans ses rangs. Il a fait d’une pierre deux coups : alors que Silvio Berlusconi n’a eu de cesse de dire ces derniers temps que M. Renzi n’était rien sans son appui, l’homme vient de démontrer qu’il pouvait s’affranchir des alliés épées de Damoclès de ses amis et de ses alliés. Dans le même temps, Il a su démontrer ses capacités de guide de parti. Au sein du Parti démocratique désormais les critiques devront se choisir un autre angle d’attaque que le seul attelage contre-nature Renzi-Berlusconi scellé par un pacte dit de Nazareno dont certains ont murmuré qu’il contenait peut-être des volets secrets liant les deux hommes au-delà de la raison.

Le leadership de Matteo Renzi va d’autant mieux s’affirmer que même au plan économique son volontarisme commence à payer. Pour la première fois depuis des années, le front de l’emploi commence à dégager des signaux positifs signe, soutiennent ses partisans, que son plan « Jobs-Act » commence à donner ses effets. L’an dernier, ce plan, destiné à réformer le marché du travail en Italie a suscité critiques et attaques notamment de la part des syndicats, les alliés naturels de la gauche.

Lucien Mpama