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Soixante jours d’incertitude !

Samedi 21 Novembre 2020 - 17:29

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Les deux mois que nous allons vivre seront assurément les plus imprévisibles, les plus incertains, peut-être même les plus dangereux du siècle dont débute la troisième décennie. Pourquoi ? Tout simplement parce que la première puissance mondiale, à savoir les Etats-Unis d’Amérique, ne sait pas où elle va alors même qu’elle vient d’élire un homme raisonnable, prudent, peu enclin comme son prédécesseur à lancer son pays dans des conflits dont le pire pourrait sortir à plus ou moins brève échéance.

 

Expliquons-nous de façon plus claire : ayant perdu la partie même s’il en conteste toujours les résultats, Donald Trump fera tout dans les soixante jours à venir pour que son successeur, le démocrate Joe Biden, se trouve confronté à des problèmes insolubles lorsqu’il s’installera dans le bureau ovale de la Maison Blanche, c’est-à-dire le 20 janvier 2021. Fort de l’appui inconditionnel des dizaines de millions d’électeurs qui ont voté pour lui lors du scrutin présidentiel, mais aussi et surtout de la maîtrise du Sénat que lui garantit la majorité républicaine et de l’appui de la Cour suprême que lui assurent six des neuf juges qui la composent, il contestera de mille et une façons l’élection de son adversaire. En sachant, bien sûr, qu’au terme de ces deux mois il devra quitter la Maison Blanche, mais en ayant dressé des obstacles que Joe Biden aura la plus grande difficulté à franchir dès qu’il prendra officiellement ses fonctions au sommet de l’Etat.

 

Deux séries d’actes significatifs prouvent aujourd’hui que la stratégie de Donald Trump est bien celle que nous résumons ici en quelques phrases : la première est l’éviction aussi brutale qu’injuste d’hommes et de femmes qui assumaient  jusqu’à présent de hautes responsabilités au sein de la gouvernance américaine mais qui plaidaient pour une transition calme, pacifique, apaisée, en somme démocratique ; la seconde est la prise de décisions dans différents domaines qui font monter dangereusement les tensions au Proche et au Moyen-Orient, en Asie et dans l’Océan Pacifique. Ceci dans le but évident, d’une part de consolider les relations privilégiées qu’il a nouées personnellement durant son mandat avec les dirigeants de plusieurs pays parmi lesquels figure Israël en bonne place, d’autre part d’affaiblir dès le départ les positions de son successeur et donc, pourquoi pas, de créer un climat favorable à sa propre réélection dans quatre ans.

 

Menacé par de nombreuses actions en justice concernant les activités qui lui ont permis de bâtir sa fortune avant d’accéder à la Maison Blanche, Donald Trump a tout intérêt à rendre ingérable la présidence de Joe Biden et c’est bien ce à quoi il s’emploie aujourd’hui. Une stratégie personnelle qui pourrait avoir comme conséquence d’affaiblir fortement la position des Etats-Unis dans le moment même où les cartes se rebattent sur la table du jeu mondial.

 

Soixante jours d’incertitude donc, mais peut-être aussi un ébranlement général qui aura de lourdes conséquences pour les Américains et pas seulement pour eux s’il se confirme ! Un diagnostic que Barack Obama, qui occupa huit années durant le Bureau ovale de la Maison Blanche, avait énoncé avant même le scrutin présidentiel du 3 novembre dans la préface de  son livre « Une terre promise » dont la version française vient tout juste de paraître (1) : « Le plus troublant est que notre démocratie semble vaciller, être à la lisière d’une crise, une crise qui s’enracine dans la lutte entre deux visions fondamentalement opposées de ce qu’est et de ce que devrait être l’Amérique : une crise qui laisse le corps politique divisé, furieux et méfiant, et a permis une violation des normes institutionnelles, des garde-fous règlementaires et une rupture de l’adhésion à la réalité factuelle que républicains et démocrates considéraient jadis comme allant de soi ».

 

On ne saurait être plus clair ni plus lucide !

 

 

 

  1.  Barack Obama, « A promised land », publié aux Etats-Unis par Crown, marque de Random House LCC New York. Vient de paraitre en France sous le titre « Une terre promise », édité par la Librairie Arthème Fayard. 840 pages.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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