Soudan : Omar el-Béchir crie victoire après la suspension de l’enquête sur les crimes commis au Darfour

Lundi 15 Décembre 2014 - 16:05

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La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda a pris le samedi 13 décembre la décision d’interrompre des enquêtes sur des accusations de crimes de guerre commis par l’armée gouvernementale au Darfour. A l’annonce de cette décision le président soudanais Omar el-Béchir a crié victoire.

Pour le dirigeant soudanais inculpé pour crimes contre l’humanité et génocide en 2009, cette décision de la procureure prouve que « la CPI a échoué dans sa tentative d'humilier le Soudan ». Il a affirmé que cette décision avait été prise parce que « le peuple soudanais a refusé d’être humilié et de plier ». Le président soudanais saisit cette occasion pour qualifier la CPI « d’outil visant à humilier et à soumettre » le peuple soudanais.

La décision de suspendre l’enquête a été prise parce que la CPI estime pâtir d’un manque de soutien de l’ONU, alors qu’Omar el-Béchir était depuis longtemps visé par cette enquête. La procureuse a déploré le fait que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas fourni assez d’efforts pour obtenir l’arrestation du président soudanais qui malgré les menaces de la CPI, continue de voyager sans être nullement inquiété.

Le président soudanais n’était pas seul dans le viseur de la CPI. La cour poursuivait également le ministre de la Défense, le ministre de l’Intérieur et le chef d’une milice. Fatou Bensouda  a ouvertement critiqué le Conseil de sécurité et a averti qu’en l’absence d’une action de cet organe de l’ONU, les charges contre Omar el-Béchir et trois autres accusés demeureraient lettre morte.

Autre point évoqué par la procureure : des accusations de viol collectif que des soldats soudanais auraient commis sur 200 femmes et filles fin octobre dans un village du Darfour du Nord. A  ce  sujet, Fatou Bensouda a dit que ces accusations « devraient choquer le Conseil et provoquer une réaction ».

La décision de la CPI intervient après que Khartoum a usé de tous ses moyens pour empêcher l’enquête sur des accusations de crimes de guerre sur son sol. Le régime soudanais a en effet empêché la mission commune ONU-Union africaine au Darfour (Minuad) d’enquêter sur ce dossier. Malgré cela, la force africaine a pu mener une enquête dans un village et fait état dans un rapport confidentiel d’intimidations de l’armée au moment où elle enquêtait. Depuis lors, un bras de fer régnait entre les autorités soudanaises et la  Minuad. Khartoum a refusé les demandes de la mission internationale de retourner sur les lieux et lui a demandé de quitter le pays. Malgré cela, aucune personne n’a été jusqu’à présent arrêtée, d’autant que le Soudan est protégé par la Chine au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. Cela, parce que ce pays use de son droit de veto au Conseil de sécurité où il siège comme membre permanent.

Au pouvoir depuis 25 ans au Soudan, Omar el-Béchir fait l’objet de mandats d’arrêt de la CPI datant de 2009 et 2010 pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour, une région de l’ouest soudanais en proie à la guerre depuis 2003. Malgré ces mandats, il a pu voyager dans plusieurs pays sans être inquiété.

Les violences au Darfour ont plus de 300 000 morts et deux millions de déplacés depuis l’insurrection de rebelles appartenant à des tribus non-arabes, qui dénoncent leur marginalisation.

 

Nestor N'Gampoula et Fiacre Kombo (stagiaire)