Souvenirs: il y a cent ans, se tenait le premier congrès panafricaniste à Versailles

Lundi 18 Février 2019 - 15:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

L'événement organisé en février 1919 était censé promouvoir la paix après la Première Guerre mondiale (1914-1918).

L'objectif du congrès était de tenter de faire exister les idées anti-coloniales au moment où se tenait la conférence de paix de Versailles. La France avait donné son feu vert à travers le député du Sénégal, Blaise Diagne, en charge de recruter des tirailleurs africains (1914-1918). Alors que les leaders des pays victorieux venaient fixer les nouvelles règles internationales, les nationalistes et anticolonialistes du monde entier y trouvèrent là une occasion pour s’exprimer et faire avancer leurs droits.

En 1919, le congrès qui s’inscrivait dans un bouillonnement d’initiatives panafricaines, voulait profiter de la période qui avait vu la défaite de l'Allemagne pour tenter de décoloniser les ex-terres de ce pays en Afrique. Et au-delà, créer un "Etat noir" sur le continent. Une personnalité américaine, William Edward Burghardt Du Bois, porta cette idée de congrès. C'est l'un des premiers Noirs à être diplômé d'Harvard. Il est considéré comme "le père de la Négritude", un ardent militant de l'égalité raciale. Pour cette raison, les Américains n'étaient pas favorables à l'idée de le voir partir pour Paris et c'est en tant que journaliste qu'il s'y était rendu.

Du côté français, Blaise Diagne convainquit Georges Clémenceau des avantages qu'il pourrait tirer d'un tel congrès. La France, toujours coloniale, y voyait une façon de montrer des signes d'ouverture tout en se battant pour récupérer une partie des colonies allemandes et répondre aux propositions américaines d'autodétermination des peuples. Finalement, ce congrès s'ouvrait, le 19 février 1919, dans une salle du Grand Hôtel du boulevard des Capucines, à Paris.

Blaise Diagne en était élu président et William Edward Burghardt Du Bois en assurait le secrétariat. " (...). On discuta l’adhésion de l’Afrique à la Société des Nations, on discuta les questions générales de la terre, du capital, du travail, de l’éducation, de l’hygiène et en particulier de la situation" faite aux Noirs. Une résolution fut adoptée, affirmant que "les Noirs du monde réunis en un congrès panafricain, tenu à Paris, déclarent que dans l’intérêt de la justice et de l’humanité et dans le but d’apporter de nouvelles forces au progrès et à la civilisation", il convenait par tous moyens de favoriser l’évolution de deux cents millions de Noirs sur la planète et qu’à cet effet, un ensemble de mesures s’imposait immédiatement.

Des résolutions réformistes votées par le congrès panafricain

Elles affirmaient notamment l'"établissement d'un code législatif international pour la protection des indigènes d'Afrique, semblable au projet de code international du travail" ou "la garantie de la part des puissances coloniales de nombreux principes de gouvernement relatifs aux indigènes africains : l'accès à la terre, la juste répartition des ressources capitalistes de l'État, l'abolition du travail forcé et des châtiments corporels, l'accès à l'éducation et la participation des Africains au gouvernement de l'Etat". Le congrès avait finalement peu d'effets. Ses résolutions assez timides s'expliquaient notamment par le poids du parrainage français, mais le mouvement était parti et ne cessera de se développer. Si les débats sur le panafricanisme étaient lancés, ce mouvement n'arrivera pas pour autant à empêcher l'invasion du seul Etat indépendant d'Afrique, l'Ethiopie, par l'Italie fasciste.

Finalement, c'est lors de la période de la décolonisation que se concrétisa le panafricanisme à travers les ambitions d'un Kwamé Nkrumah qui déclara : "Le nationalisme africain ne se limite pas seulement à la Côte d’Or (Ghana actuel), il doit être un nationalisme panafricain (...).Il faut que l’idéologie d’une conscience politique parmi les Africains, ainsi que leur émancipation, se répandent partout dans le continent".

En avril 1958, il organisait à Accra, au Ghana, la conférence des Etats indépendants d'Afrique à laquelle participèrent les huit Etats souverains du continent (Maroc, Libye, Egypte et Tunisie, Ghana, Liberia, Ethiopie et Soudan). Ce combat donna naissance à la constitution de l'Organisation de l'Unité africaine ( 1963) qui se transforma en Union africaine (UA) en 2002.

En hommage aux pères fondateurs, la charte de l'UA dit : " Aux nobles idéaux qui ont guidé les pères fondateurs de notre organisation continentale et des générations de panafricanistes dans leur détermination à promouvoir l’unité, la solidarité, la cohésion et la coopération entre les peuples d’Afrique, et entre les Etats africains". 

Noël Ndong

Notification: 

Non