Sportissimo. Fétiche-magie-prière : un bon mélange au football ! (suite du précédent numéro)

Vendredi 6 Juillet 2018 - 19:15

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Dernièrement, avant un derby entre deux grands clubs de la capitale congolaise, Brazzaville, au stade Alphonse Massamba-Débat, un des dirigeants a laissé entendre : « Sur mes trois féticheurs, j’ai contacté deux qui m’ont assuré de la victoire de mon équipe ». En fin de compte, son équipe était sortie victorieuse, réalisant le score prédit. Un autre ne s’était pas empêché d'affirmer avoir visualisé le match de son équipe dans un miroir placé dans une bassine d’eau, dans le sanctuaire de son féticheur.

Confession de Taribo West

L'ancien défenseur de Super Eagles du Nigeria, devenu pasteur, a dit qu’il contactait certains traditionnalistes pour lui concocter des charmes dont il se servait quand il jouait au football. « Je ne sais pas pourquoi les gens refusent de parler de leur participation aux fétiches. Le football est à faire avec beaucoup de pouvoirs. Quand il y a de grands événements, vous regardez dans le stade, vous voyez les gens, les fans invoquant toutes sortes de choses ; les magiciens sont là, les adeptes du vaudou sont là. Pendant que je jouais encore, quand j’étais ignorant, j’avais l’habitude d’obtenir de certains maloum et babalawos (médecins traditionnels) des charmes pour nous. Parfois, ça marchait, parfois, ça ne marchait pas.

Dans certains clubs, avant chaque match, le président ou le chef de file du club vous donne un charme chanceux avec lequel vous jouez. Ils diront aux joueurs de le mettre dans les chaussures ou chaussettes et jouer. C’est leur croyance superstitieuse ; que cela peut les aider à gagner des matches, il y a quelques entraîneurs qui sont connectés à des magiciens africains et des devins du Sénégal, du Burkina Faso, de la RDC, ou même du Nigeria. Ces personnes sont consultées pour donner à ces entraîneurs les résultats avant même que les matchs ne soient joués. Ces gens voient les choses étranges et ils peuvent vous dire avec leur magie et les charmes, quel sera le résultat d’un match. Les gens croient et l’utilisent. Cela fonctionne pour ceux qui y croient. Je l’ai vu, je l’ai vécu, je me trouvais avec les joueurs qui ont utilisé et je l’ai utilisé. Alors, pourquoi les gens nient-ils ? Il y a des charmes et des rituels dans le football, ça existe toujours ».

Claude le Roy témoigne

Claude Le Roy, qui a vécu les réalités africaines pour avoir entraîné au Cameroun (deux fois), en RDC (deux fois), au Ghana et en République du Congo, déclare n’avoir jamais empêché un joueur de recourir aux services de son marabout ou de son féticheur. « Les grigris font partie de la culture africaine. Je pars toujours du principe qu’en Afrique, je ne suis pas chez moi et que je dois m’adapter à la culture du pays où je vis. Même si l’entraîneur que je suis doit aussi veiller à ce que ces choses personnelles ne perturbent ni mon travail ni la vie du groupe. Si un joueur écoute seulement son marabout, cela peut avoir des effets désastreux. Les joueurs qui viennent d’Europe pour leurs équipes nationales sont beaucoup moins sensibles pour des raisons de culture, mais aussi parce qu'ils n’ont pas de réseaux sur place », témoignait-il. Et d’ajouter : «  Il y a aussi dans le coran de l’influence des églises : Une mode venue du Brésil. Pendant la Coupe du monde de 2002, on voyait beaucoup de joueurs brésiliens prier à genoux tous ensemble au milieu de la pelouse ».

Nicolas Champeaux parle de muti

Lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, notre confrère de "RFI", Nicolas Champeaux, se penchant sur la sorcellerie, la superstition, la magie et le football, a constaté qu’en Afrique de l’ouest, on aime plutôt les grigris, mais en Afrique australe on recourt au muti. De nombreux joueurs effectuent systématiquement le même rituel avant un match : certains lancent toujours la chaussure gauche avant la chaussure droite, d’autres font le signe de croix avant d'entrer sur le terrain. Peau de python, dents de buffle, coquillages et racines de tous genres se vendent au marché du centre de Johannesburg. Les Sud-Africains font appel au muti pour trouver un emploi ou obtenir le retour définitif de l’être aimé ou encore pour gagner un procès.

Au football, c’est la solution magique pour marquer des buts, raconte Thabang qui est un Nyanga, c’est-à-dire le vendeur de muti aux guérisseurs que l’on appelle Sangoma. Si un Sangoma ne produit pas des résultats, ils est remercié et on recrute un autre. Le professeur d’anthropologie, Robert Thornton, pense que le muti n’est là qu’en support, les équipes doivent avant tout s’entraîner si elles veulent gagner. Kamel Djabour, technicien Franco-Algérien, raconte : « À Pointe-Noire où l’équipe nationale joue souvent, des gens viennent bénir le stade et cela n’est pas gratuit », rappelant que ces pratiques fétichistes constituent un véritable business qui se fait dans l’intimité d’une chambre ou dans un coin de vestiaire. Tenez, un jour à Kinshasa, un supporter connu d’un grand club se promenait à poils (nu)  à 19h, au stade des Martyrs. L’explication donnée : « Il cherchait un but volé par l’équipe adverse ». Les Kinois aussi connaissaient « Ngomba » (montagne) chez un féticheur bien réputé en Afrique. Les gens de Ngomba ont leurs joueurs et leurs entraîneurs. (Fin)

Pierre Albert Ntumba

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