Opinion

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Sur les tensions qui agitent la planète foot

Samedi 30 Mai 2015 - 15:47

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L’une des pires dérives de l’époque où nous vivons est l’absence totale de contrôle qui permet à des organisations qui se prétendent honnêtes d’agir comme bon leur semble sans rendre de comptes à quiconque. Vraie pour la planète foot, qui vient de reconduire, pour un quatrième mandat, Sepp Blatter en dépit des soupçons de corruption et de détournement de fonds qui pèsent sur lui, cette remarque l’est tout autant, sinon même plus, pour la plupart des organisations non gouvernementales qui prétendent défendre les droits de l’homme et la bonne gouvernance, qui se posent du même coup en censeur des États, qui surfent sur les médias pour mieux se faire entendre, mais qui élèvent toutes sortes de barrières afin de se protéger elles-mêmes des regards extérieurs.

À la base d’une dérive qui ne cesse de s’aggraver au fil des ans se trouve le fait que la communauté internationale ne dispose pas des moyens nécessaires pour mettre de l’ordre dans cette jungle. Aussi prolixes en paroles qu’inefficaces en actions, les institutions rattachées plus ou moins aux Nations unies évitent soigneusement de demander des comptes aux organisations de toute nature qui prolifèrent à l’échelle mondiale dans les domaines les plus divers. Non seulement elles font semblant de ne rien voir d’anormal dans la gestion interne de ces entités, mais encore elles appuient directement ou indirectement les actions que celles-ci entreprennent sur les cinq continents sans jamais se préoccuper de demander des comptes.

La preuve nous en a été donnée vendredi lorsque la très puissante Fédération internationale de Football, la Fifa, a réélu Sepp Blatter à sa tête alors même que les soupçons de corruption s’accumulent contre lui et ses collaborateurs, que personne n’ignore sa responsabilité dans les dérives financières de l’institution, que les sponsors eux-mêmes – entendez par ce terme les grandes entreprises qui financent les activités de la Fifa en échange d’une forte visibilité dans les stades – commencent à prendre leurs distances avec l’institution. Aussi sûr de lui que certain de n’être pas inquiété, le Suisse a franchi le pas décisif de son élection sans la moindre difficulté, exactement comme s’il n’avait commis aucune faute et savait que le jeu était joué par avance.

S’il a réussi une nouvelle fois ce coup, c’est d’abord et avant tout parce qu’il a constitué autour de lui un groupe de personnalités venues d’horizons très divers qui risquaient de tout perdre s’il n’était pas réélu. L’argent étant de façon très évidente au cœur de cette opération – il suffit pour s’en convaincre d’écouter ce que disent les quelques opposants qui osent s’exprimer à ce propos dans la presse internationale – Sepp Blatter a sans le moindre complexe surfé sur une vague qui ne cesse d’enfler à l’échelle internationale : celle de la corruption.

Il est probable, cependant, que cette victoire sera une victoire à la Pyrrhus, du nom de ce roi d’Epire qui défit les Romains en l’an 280 avant Jésus-Christ au prix de pertes irréparables pour ses propres forces. Les scandales qui s’accumulent autour de la Fifa sont tels, en effet, que la communauté internationale va devoir ouvrir rapidement les yeux pour regarder enfin la vérité en face. Et l’homme par qui le scandale arrive verra sans doute ses alliés les plus sûrs se détourner courageusement de lui.

Tout le problème aujourd’hui est de savoir si ce qui arrive à la Fifa conduira la communauté internationale à regarder de près ce qui se passe dans toutes les organisations non gouvernementales, à contrôler l’origine de leurs financements, à rechercher qui se dissimule derrière elles et dans quels buts, à remonter les filières qu’elles utilisent sur le terrain pour agir. La Russie et la Chine, qui ont commencé ce travail, ne devraient pas rester longtemps seules, isolées, dans l’indispensable remise à plat des finances de ces ONG qui abritent leurs activités plus que douteuses derrière une posture vertueuse.

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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