Théâtre : Exhibit B, une pièce qui suscite la polémique

Dimanche 7 Décembre 2014 - 15:25

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Mise en scène par le Sud-Africain blanc Brett Bailey, Exhibit B est une performance visant à dénoncer à travers des tableaux vivants le racisme dont les populations noires ont été victimes dans le temps et dans l’Histoire, par la colonisation, l’esclavage, les zoos humains ou plus récemment les politiques d’immigration européenne.

Polémique…

Les spectateurs déambulent dans différentes salles du théâtre. Dans chacune d’elles, les comédiens noirs, enchaînés, parfois enfermés dans des cages, représentent des personnages statiques. Près d’eux, des textes remettent un contexte pour raconter l’histoire du personnage et expliquer qui il est. Le contact et le jeu de regard entre le comédien et le public constituent le propre de cette expérience. Du côté de la presse française, on salue la performance. Mais une partie de l’opinion publique gronde. La pièce est jugée raciste car elle «utilise» le corps et reprend le procédé du «zoo humain», des expositions coloniales.

Le 27 novembre dernier, des manifestants ont répondu à l’appel du collectif Contre Exhibit B et se sont rassemblés devant les portes du Théâtre Gérard Philippe de Seine Saint-Denis (Île-de-France) où se jouait simultanément la pièce. Parmi les indignations, la voix de la comédienne Amandine Gay dénonce un spectacle «raciste», «pour les Blancs», mais aussi une uniformité du monde théâtral, à grande majorité blanche et masculine. La jeune femme a par ailleurs signé une tribune sur le site Slate pour étayer son propos : «Le monopole de la parole blanche sur les questions coloniales et raciales représente une violence symbolique d'autant plus prégnante qu'elle s'exerce dans un territoire avec une forte population noire, comme celui de Saint-Denis. En effet, Exhibit B génère une violence intracommunautaire, entre les défenseurs du projet et ses opposants, mais aussi dans le cas du rassemblement, entre  les vigiles noirs et les manifestants, majoritairement Noir-e-s également».

Une pétition lancée en ligne par John Mullen a reçu le 29 novembre dernier sa 20 000e signature. Le militant appelle au boycott et demande la déprogrammation de la pièce. Extrait de sa revendication : «L'idée qu'un zoo humain de ce type, ouvert à toute la famille (gratuit pour les moins de 15 ans !) puisse faire reculer le racisme est ridicule, et l'exposition est une insulte à ceux et celles (dont une bonne partie des habitants des quartiers où est programmée l'exposition) qui se trouvent bien obligés de comprendre le racisme parce qu'ils le subissent quotidiennement. La liberté d'expression n'est pas une justification suffisante pour que nos centres culturels soutiennent de telles horreurs. » Sous la pression des manifestants, Exhibit B  a été annulé en Seine Saint-Denis, comme il l’a été à Londres, il y a quelques semaines.

Et que dire des soutiens ?

«Mon travail est un travail de performance avec une grande part d’interaction avec le public. Si, sur le même sujet, je fais une photo, je n’obtiens pas la même ouverture multidimensionnelle. Vous ne sentez pas les acteurs, vous ne vous promenez pas dans un espace où l’on vous retourne votre regard… Ce serait comme mettre du Mozart sur un piano électrique. Avec mon travail, vous êtes regardé par l’acteur et il se produit un retournement de l’expérience du zoo humain. » se défend Brett Beilay sur le site Rue 89.

La ligue des droits de l’Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, l'Observatoire de la liberté de création, le syndicat professionnel du spectacle vivant, la mairie de Paris et le ministère de la Culture français soutiennent le travail du dramaturge, «un spectacle, qui entend dénoncer sans ambiguïté ce que le racisme a produit de pire » défend la ministre Fleur Pellerin. Exhibit B récolte également les beaux mots de la presse française, quasi unanime à son sujet, louant une pièce puissante et intelligente, tout comme les spectateurs qui en ressortent. Ils sont aussi plusieurs à expliquer que l’opposition qui se forme contre la pièce ne l’a pas vu, mais réagit au principe de la mise en scène et aux photos circulant sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux.

Exhibit B doit se jouer à l’Espace 104 à Paris, du 7 au 14 décembre.

 

Morgane de Capèle