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Trois sommets, pour quoi faire ?

Samedi 2 Août 2014 - 13:49

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Alors que débute à Washington un sommet États Unis / Afrique que l’on présente par anticipation comme « historique », une question s’impose qui ne fera certainement pas plaisir aux instigateurs de cette rencontre, mais qui n’en est pas moins justifiée : oui ou non ce nouveau rendez-vous entre l’Afrique et les nations qui l’asservirent pendant des siècles va-t-il déboucher sur des actes concrets visant à panser les blessures du passé et à réparer les dégâts humains que celles-ci ont provoqués ?

Trois sommets censés instaurer une véritable coopération entre l’Afrique et les pays occidentaux se seront tenus dans les huit derniers mois : le premier à l’Élysée au mois de décembre et le second à Bruxelles au mois de juin ont été marqués par de nobles discours, de beaux engagements, de grands et vastes projets, mais à ce jour, il n’en est rien sorti de concret. Qu’en ira-t-il du troisième sommet, celui qui s’ouvre précisément aujourd’hui à Washington ?

Si l’on s’en tient aux deux précédents, il est à craindre que les résultats du  troisième soient tout aussi inexistants. Loin de reconnaître, en effet, que leurs erreurs sont à l’origine de bien des drames qui se déroulent aujourd’hui sur le continent africain, les puissances européennes continuent de prêcher à leurs partenaires la bonne gouvernance et le respect des droits humains sans pour autant s’attacher à réparer leurs erreurs passées. Elles ferment, par exemple,  les yeux sur le drame qui se déroule en Libye alors même qu’elles l’ont favorisé en faisant assassiner Muhamar Kadhafi, ce qui les confronte aujourd’hui, sur toute l’étendue du Sahel, à des désordres sans fin.

Si le Président Barack Obama veut convaincre la cinquantaine de chefs d’État africains qu’il a invités à Washington, il doit, dès l’ouverture de ce sommet, dire haut et fort que les États-Unis ont pris la pleine mesure de leurs erreurs passées : celles, bien sûr, qui résultèrent de la traite négrière, mais aussi celles qui, à notre époque, ont empêché l’Afrique de se développer comme elle aurait pu le faire si des pratiques telles que l’apartheid en Afrique du sud, l’exploitation criminelle des gisements de métaux rares en République démocratique du Congo, les manœuvres ruineuses des « fonds vautours » anglo-saxons n’avaient pas été encouragés par l’inertie des autorités américaines.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas ici de parler de « repentance », mais de réparation  concrète des erreurs passées. Si l’Amérique de Barack Obama veut participer à l’émergence de l’Afrique qu’elle l’aide donc à se doter des grandes infrastructures qui lui font cruellement défaut, qu’elle appuie l’intégration régionale qui abaissera enfin les barrières artificielles élevées par la colonisation entre les peuples africains, qu’elle apporte un soutien concret à l’édification du système de prévention et de gestion des crises que l’Union Africaine met en place, qu’elle  appuie l’action des gouvernements africains dans leur lutte contre la piraterie maritime et les trafics en tous genres qui se développent dans les zones de non droit, qu’elle participe activement au financement des programmes de formation des hommes qui assureront l’émergence de classes moyennes dynamiques et ambitieuses, qu’elle cesse donc de prêcher et se décide à agir.

De nombreux indices donnent à penser qu’après s’être fourvoyés au Vietnam, en Irak et en Afghanistan, l’Amérique commence à ouvrir les yeux sur les réalités du monde moderne et la nature des défis que ceux-ci lui lancent. Si tel est bien le cas, le Sommet de Washington peut amorcer le virage à angle droit qui permettra aux États-Unis de demeurer une puissance respectable et respectée.

Attendons et voyons !

 

 

Jean-Paul Pigasse

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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