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« Trumperies » versus « poutineries »

Samedi 21 Juillet 2018 - 19:27

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Que le président Donald Trump rétropédale, comme on dit, devant le tollé général suscité aux Etats-Unis par les propos tenus à Helsinki face au chef de l'Etat russe, Vladimir Poutine, n'a rien qui puisse surprendre. N'ayant toujours pas pris la mesure de la responsabilité qui est la sienne sur la scène internationale et se comportant comme un homme d'affaires prêt à tout pour accroître son capital ou défendre ses intérêts, il a été contraint, sous la pression des puissantes administrations qui l'entourent, de s'excuser publiquement au risque de dégrader encore un peu plus son image et celle de son pays.

Plus les jours passent, en effet, plus il apparaît clairement que les autorités russes ont joué un rôle qui est loin d'être négligeable dans l'élection de Donald Trump, il y a deux ans. Déstabilisant la candidate démocrate Hillary Clinton qui, soit dit en passant, aurait sans doute remporté l’élection si le jeu n’avait pas été faussé, la Russie a joué résolument la carte Trump. Sans doute, mais ceci devra être confirmé par les enquêtes en cours sur le sol américain, parce que Moscou  était convaincu que le nouveau locataire de la Maison-Blanche serait pour lui un allié obligé.

Ancien patron du FSB, ex-KGB, la très puissante administration du renseignement de l'Union soviétique, Vladimir Poutine a certainement entre les mains tous les éléments qui lui permettent aujourd'hui de faire pression sur le nouveau président des Etats-Unis. Et il joue cette carte sans le moindre complexe comme on l'a vu à Helsinki lors de sa rencontre avec Donald Trump, puis lors de la conférence de presse qui l'a suivie. Face aux "trumperies" de son  interlocuteur, il a joué avec un talent rare ses propres "poutineries" en sachant parfaitement qu’il déclencherait un tsunami politique et médiatique aux Etats-Unis, c'est-à-dire chez le principal adversaire de la Russie.

Ce que laisse apparaître clairement la scène qui s'est jouée sur le théâtre finlandais, c'est que la guerre larvée à laquelle se livrent les deux grandes puissances depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale prend aujourd’hui une autre tournure. Menée d'abord sur le plan militaire avec la constitution de forces nucléaires qui ont failli se heurter de front lors de la crise de Cuba puis se sont neutralisées de facto, elle s'est ensuite déplacée sur le front économique provoquant l'effondrement de l'URSS et l'avènement du système capitaliste qui gouverne aujourd'hui la Russie. Elle gagne présentement le plan diplomatique avec la remise en question, grâce à l'émergence de la Chine, du leadership américain et plus largement de la suprématie occidentale au sein même de la gouvernance mondiale.

En amenant comme il l'a fait Donald Trump à se contredire sous le regard ébahi de la communauté internationale, Vladimir Poutine a abattu l'une des cartes maîtresses de son jeu. Et tout indique qu'il a utilisé pour y parvenir des arguments contre lesquels son interlocuteur ne pouvait s'élever sans courir le risque de se détruire. Mais il se pourrait bien que la victoire provisoire ainsi remportée provoque aux Etats-Unis même un rejet de Donald Trump dont les effets pourraient vite s’avérer négatifs pour la Russie.

N'oublions pas, en effet, que, d'une part, la très puissante administration américaine ne se laissera pas manipuler très longtemps et se chargera elle-même d'instruire le procès, c'est-à-dire l' "impeachment", qui écartera tôt ou tard Donald Trump de la Maison-Blanche et que, d'autre part, des personnalités comme Hillary Clinton mais aussi et surtout Barack Obama sont en embuscade.

A moins de deux ans de l'élection présidentielle américaine, ce n'est évidemment pas rien pour le parti démocrate qui ambitionne de retrouver la place éminente qu'il occupait ces dernières années dans les institutions américaines.

 

 

 

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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