Vatican : le cardinal Sarah défend le modèle africain sur le mariage

Lundi 2 Mars 2015 - 18:15

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Le haut-prélat guinéen, proche collaborateur du pape François, estime qu’entre l’Occident et l’Afrique, il y a des incompréhensions à dissiper sur certaines valeurs.

Jamais autant que ces dernières années la vision africaine sur le mariage n’a été « interrogée » par l’Eglise catholique au sommet. Abordée ouvertement ou par allusion, la question de l’Africain face au mariage n’a jamais totalement épuisé la suspicion entre les différents camps. Quand l’Eglise catholique insiste sur la notion d’un mariage entendu comme l’union devant Dieu d’un homme et d’une femme, l’Afrique a su faire comprendre que cette union n’était totale et parfaite que si l’on prenait aussi en compte l’alliance qui se scellait entre les familles. Pas seulement des individus.

L’Africain appellera « mon frère », « mon fils » et même « mon père » une personne à qui il est lié par le lien du lignage ou de l’union traditionnelle. Le théologien Benezet Bujo soutient même que l’Africain ne se dit pleinement en mariage que si, à côté de l’union à la mairie (pour l’Etat civil) et à l’Eglise (pour le sacrement), on célèbre aussi le mariage traditionnel. D’ailleurs, avance-t-il, il est même tout à fait possible de se passer (ou de différer) les deux précédents, mais jamais le dernier !

Ces notions sont-elles en opposition avec ce que recommande le christianisme en la matière ? L’Afrique des théologiens a tenté, à plusieurs reprises, de dire qu’elles s’intégraient parfaitement dans une vision d’anthropologie chrétienne. Tout comme s’y intègre aussi la vision de la polygamie qui n’est pas portée ou promue par la conception chrétienne africaine du mariage, mais peut induire une pratique pastorale spécialisée. Combien seulement sont les prêtres nés de parents polygames !

Dans un livre d’entretiens avec le journaliste Nicolas Diat, (« Dieu ou rien », Ed. Fayard), le cardinal Robert Sarah essaye de débroussailler le terrain touffu de la compréhension chrétienne et africaine du mariage. Là où les Occidentaux font le grief à l’Afrique de traîner comme une plaie inavouable la pratique de la polygamie (et même de la rupture du vœu de chasteté pour de nombreux prêtres), le cardinal Sarah estime qu’il n’y a pas lieu d’imposer à l’Afrique des valeurs qui ne sont pas fondamentalement les siennes. Soutenir que permettre, par exemple, des unions homosexuelles ayant valeur de mariage, pratique présentée comme signe de modernisme en Occident, est une erreur.

« L'Afrique propose à l'Occident ses valeurs sur la famille, l'accueil, le respect de la vie (…).Dieu s'est prononcé de manière claire sur l'homosexualité (...). Si un prélat se met contre la révélation, c'est son affaire, mais nous continuerons à affirmer ce que Dieu entend de l'homosexualité. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas accompagner pastoralement ces personnes », soutient le cardinal. « L'Occident ne doit pas refuser d'écouter ce que l'Esprit dit aux Eglises, même si elles sont africaines! », réaffirme l’ancien archevêque de Conakry.

Ces prises de position interviennent alors que l’Eglise catholique est confrontée à la question du modèle de famille à promouvoir. Les chrétiens occidentaux, d’une manière large, ne se montrent plus aussi hostiles qu’auparavant aux unions des personnes de même sexe, une pratique que continuent de rejeter bon nombre de pays africains, y compris par la force de la loi (Cameroun, Ouganda, Sénégal etc…). De même la question s’il faut ou non admettre les divorcés-remariés à prendre la communion divise.

Signe d’une volonté de parvenir à dégager un plus commun dénominateur autour de ces questions l’Eglise catholique a tenu, en octobre dernier au Vatican, un premier synode sur la famille. Et en octobre prochain, il poursuivra ces débats en convoquant les évêques du monde entier à venir en débattre de nouveau au Vatican, au cours d’un deuxième synode sur la famille. L’Afrique reste majoritairement opposée à certaines pratiques que l’Occident veut imposer comme des signes d’évolution, conditionnant même les aides multilatérales à leur acception.

« Dieu s'est prononcé de manière claire sur l'homosexualité (...). Si un prélat se met contre la révélation, c'est son affaire, mais nous continuerons à affirmer ce que Dieu entend de l'homosexualité », prévient le cardinal Sarah. « La même chose vaut pour les divorcés civilement remariés: là aussi il y a une déclaration du catéchisme de l'Eglise catholique, et une déclaration ferme de Jean Paul II », ajoute-t-il.

Lucien Mpama