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Viabilité de la dette de l’Etat : les vertus de l’effet de levier de l’emprunt

Mardi 31 Mai 2016 - 14:00

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Le niveau d’endettement acceptable d’un agent économique, est celui qui lui permet d’augmenter sa capacité à investir sans risque pour ses propres ressources. Il procure un effet démultiplicateur des ressources propres, appelé «effet de levier», mesuré par le rapport entre l’encours de la dette et les ressources propres de cet agent. L'endettement est profitable quand ce rapport est supérieur ou égal à 33%.  En dessous de ce seuil, l’endettement exerce un « effet de massue », affectant la rentabilité des ressources propres.

Pour la Cémac, la norme de convergence de la dette publique est fixée à 70% du PIB de chaque membre. L’audit 2006 des dépenses publiques pour les investissements et les transferts du Congo, relève des graves distorsions qui entretiennent un cercle vicieux de l’endettement de l’Etat.

  • De l’endettement de l’Etat : En 2004, la dette extérieure publique totale du Congo s’élevait à 8,5 milliards USD, soit 252,2% du PIB (FMI). L’annulation de la moitié de cette dette par le Club de Paris, permit au Congo de contenir un désendettement massif en 2010, pour atteindre le point d’achèvement de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés». L’encours de la dette est passé de 58,1% du PIB en 2010 à 61,5% en 2011, puis à 45,2 % en 2014 pour atteindre 57,5 % en 2015. Ces taux qui sont inférieurs à la norme de 70% du PIB de la Cémac, montrent une tendance haussière de l’endettement publique qui a poussée l’agence de notation américaine Standard & Poor’s (S&P), à dégrader la note du Congo de «B+» à «B», le 2 octobre 2015, en raison des difficultés de l’Etat à satisfaire ses obligations souveraines de longue et courte maturité. Cette sanction renchérit le coût de l’emprunt du Congo à plus de 2,5% sur les marchés financiers internationaux. Ce qui pousse les autorités à chercher les taux préférentiels auprès des pays les mieux offrants.

 

  • Les causes sont surtout :

 

a) structurelles, liées au financement des investissements par les emprunts, alors que le pays dispose d’importantes réserves oisives dont la combinaison avec les emprunts aurait généré un effet de levier. Ces emprunts sont majoritairement contractés à des conditions concessionnelles auprès de la Chine, pour 1,6 milliard d’Euros en 2006 et 1 milliard en 2013-16, assortis d’un différé d’amortissement de 5 ans, d’une échéance de 20 ans, d’un taux d’intérêt de 0,25% et d’une garantie représentant le solde minimum de dépôt de 20% du total de l’encours des prêts sur un compte séquestre à l’EXIM Bank de Chine, à partir des transactions pétrolières avec la Chine. Le niveau plus élevé de rémunération des dépôts de plus de 1% de cette banque a incité l’État congolais à effectuer des dépôts en Chine qu’à la BEAC.

En 2014, le FMI et la Banque mondiale estiment qu’il y a un faible risque de surendettement du Congo, en raison de l’importance des dépôts bruts de l’État à la BEAC et à l’étranger qui sont passés de 434 389 millions FCFA en 2010 à 1 002 382 millions en 2014, grâce aux rapatriements des surliquidités qui ont renforcé les réserves libres ou oisives. Ces dernières passent de 71,90% à 73,27% du total des dépôts bruts, et les réserves obligatoires de 28,10% à 26,73%. Elles se maintiennent à 9,5 mois d’importations prospectives et à 20 % du PIB, représentant les niveaux les plus élevés de la Cémac;

 

b) conjoncturelles, dues à la baisse des cours pétroliers de plus de 50 % sur un an, provoquant un déficit budgétaire moyen de 2,3% du PIB sur la période 2015-2018, contre un excédent moyen de 8,2% en 2010-2014.

 

III-Conséquence : la détérioration de la capacité à investir de l’Etat, marquée par :

a) la chute des investissements bruts qui passent de 37,1% du PIB en 2003-2005 à 21,10% du PIB en 2015, situant le Congo au 157e rang sur 160 pays de l’indice de la performance logistique de la Banque mondiale ;

 b) le déficit du compte courant de 3,2 % du PIB en 2013, 6% en 2014, et 9,7 % en 2015. S&P envisage un solde de 1,9 % seulement en 2018 ;

 c) la baisse du budget de l’Etat qui passe de 4100 milliards de francs CFA en 2013 à 3600 milliards F CFA en 2015 et à 3800 milliards FCFA en 2016 ; alors que les recettes comprennent 81,17% des ressources propres, 14,88% d’emprunts et 3,55% de dons ;

 d) le recul de la croissance du PIB réel à 3 % en 2015, contre 6 % en 2014. En valeur nominale, le PIB a reculé de 21,4 % en 2015, soit à 11 milliards USD, son plus bas niveau depuis 2010. Ainsi, l’amélioration de la capacité à investir de l’Etat nécessite le développement du financement mixte des investissements, optimisant l’utilisation des surliquidités oisives pour renforcer son pouvoir de négociation, afin qu’il emprunte et dépense mieux.

Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gesti

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