Yves Castanou :« Notre volonté d’assainir les secteurs régulés est restée constante »

Lundi 22 Janvier 2018 - 19:30

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Entre opérations de démantèlement de réseaux téléphoniques frauduleux et le lancement d’une campagne de sensibilisation à l’identification des abonnés de la téléphonie mobile, l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE) a pris les devants l’année dernière. Dans le cadre de la poursuite de ses missions régaliennes, son directeur général, Yves Castanou, annonce que le régulateur restera « vigilant » et rassure toutefois les opérateurs, consommateurs et l’Etat du maintien de ce cap afin de protéger les intérêts des différentes parties prenantes. 

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B). Monsieur le directeur général, l’ARPCE a procédé, l’année dernière, à une opération de démantèlement des activités jugées frauduleuses dans le trafic téléphonique tant à Brazzaville qu’à Pointe-Noire. Quels en sont les résultats ?

Yves Castanou (Y.C.): Je voudrais simplement rappeler que le démantèlement des réseaux frauduleux s’inscrit dans le cadre de nos missions régaliennes relatives à la régulation des communications électroniques. Notre volonté d’assainir les secteurs régulés, à savoir les postes et les communications électroniques, est restée constante depuis notre prise de fonction à la tête de cette institution publique. La fraude téléphonique, il faut le souligner, occasionne des pertes énormes de revenus qui se chiffrent en des millions de francs CFA car les minutes des appels qui transitent par ces réseaux frauduleux échappent aux opérateurs téléphoniques et aussi à l’Etat qui ne peut pas collecter, dans ce cas, les taxes qui lui reviennent de droit. C’est pourquoi, le régulateur a investi des moyens colossaux pour acquérir du matériel qui lui permette de localiser, avec une nette précision, un réseau frauduleux où qu’il se trouve sur le territoire national. Les résultats immédiats de ces actions, c’est donc la protection des intérêts des opérateurs, de l’Etat et des consommateurs qui peuvent continuer à jouir des retombées d’un secteur assaini et viable. Il est vrai, l’année 2017 a vu se multiplier ce genre de délits ; une demi-douzaine de réseaux animés par des Congolais et/ou des étrangers, a été démantelée. Dans ces opérations, l’assistance des services de police et de gendarmerie, que je tiens à saluer, nous est d’une grande utilité. C’est pourquoi, j’aimerais rassurer les opérateurs, les consommateurs et l’Etat que le régulateur reste vigilant.  

L.D.B. Les consommateurs assistent depuis peu à une nouvelle arnaque. Les Wangiri, qu’en est-il ? Comment l’ARPCE entend y faire face ?

Y.C.: C’est une arnaque téléphonique de plus en plus répandue dans le monde. Son nom, Wangiri, signifie « sonnerie » en japonais. Sur internet, elle est également connue sous le nom de Spam Vocal, arnaque de l’appel en absence ou Ping call. En effet, vous recevez un appel qui se coupe après la première ou la deuxième sonnerie. L’écran de votre portable affiche un appel manqué avec un numéro de téléphone international inconnu. En rappelant ledit numéro, vous vous connectez à un numéro surtaxé et donc vous courez le risque de perdre vos crédits téléphoniques. Face à la montée en puissance de ce type de fraudes, l’ARPCE, de concert avec les opérateurs, exploite deux pistes pour réduire sa nuisance : d’une part, la sensibilisation des usagers des services des communications électroniques et, de l’autre, les numéros internationaux signalés sont systématiquement bloqués par les opérateurs. Nous encourageons donc tous ceux qui sont victimes de ce phénomène à signaler ces numéros internationaux auprès des services-clients des opérateurs ou d’appeler le 5050, le Centre d’écoute des consommateurs de l’appel. Ces appels sont gratuits.

L.D.B.: Le 30 novembre 2017, vous avez lancé une nouvelle campagne nationale d’identification des abonnés de la téléphonie mobile, après celle de 2011. Qu’est ce qui a motivé l’ARPCE à aller dans cette opération alors que plus de 90% des abonnés avaient été déjà identifiés ?

Y.C.: Ce n’est pas une nouvelle campagne d’identification que nous venons de lancer à la fois à Brazzaville et à Pointe-Noire. C’est plutôt une campagne de sensibilisation à l’identification. En effet, le régulateur a fait le constat, dans le cadre de ses enquêtes de suivi et de contrôle des activités des opérateurs, d’un relâchement et d’une nonchalance dans la rigueur à observer dans le processus de vente de cartes SIM, chez un grand nombre d’intervenants, notamment les vendeurs ambulants.

Un autre constat a été fait et porte sur la vente illicite des cartes SIM pré activées et non identifiées. Nous avons évoqué plus haut les réseaux frauduleux. Eh bien, je vous prie de considérer que les animateurs desdits réseaux n’ont pour carburant que la carte SIM. Sans elle, rien ne peut se faire. Ces malfrats acquièrent donc des cartes SIM auprès des vendeurs ambulants (complices pour les uns) sans identification préalable. Certains fraudeurs appréhendés avaient en leur possession cinquante, voire quatre-vingts cartes SIM dont les éléments d’identification ne sont pas les leurs (noms, prénoms…). Cette campagne de sensibilisation à l’identification vise donc à corriger les insuffisances constatées sur le terrain pour lutter efficacement contre la fraude téléphonique et aussi prévenir les actes inciviques posés à partir du téléphone tels des appels anonymes, des menaces, etc. Enfin, l’identification systématique des abonnés qui n’est pas une option pour les opérateurs, permet aussi à l’Etat, via l’ARPCE, d’avoir une maîtrise du fichier des abonnés de la téléphonie mobile au Congo.  

L.D.B.: Nous avons entendu l'année dernière plusieurs appels à l’amélioration des réseaux des opérateurs et de la qualité des services fournis par ces derniers. Comment se portent ces deux segments à ce jour ?

Y.C.: Vous savez, même dans le meilleur des mondes, tout ne peut être parfait. Mais nous pouvons dire qu’à ce jour, la qualité de service des opérateurs téléphoniques, de manière globale, s’est nettement améliorée comparée aux années 2014 et 2015 où le régulateur avait été obligé d’infliger des sanctions pécuniaires aux deux plus grands opérateurs de téléphonie mobile du pays, Airtel et MTN Congo, avant de réduire d’une année, la durée de leurs licences respectives. Les derniers contrôles que nous avons effectués à plusieurs reprises, révèlent que les opérateurs Airtel et MTN affichent des indicateurs satisfaisants, sauf l’opérateur Azur qui n’arrive pas à suivre le pas. C’est à ce titre, d’ailleurs, qu’au mois d’octobre dernier, le régulateur lui a servi une mise en demeure pour qu’il améliore la qualité de ses services.  A chaque fois que cela est possible, nous avons toujours enjoint les opérateurs au respect scrupuleux de leur cahier de charges. Ils savent que la qualité de service n’est pas une option mais une obligation pour leur business. Il faut reconnaître, par ailleurs, qu’il y a d’autres paramètres à considérer pour que l’opérateur livre un service exempt de tout reproche, notamment la disponibilité du courant électrique et la disponibilité du carburant pour assurer le relais des groupes électrogènes en cas de manque de courant. Nous savons tous que ce sont là deux défis majeurs auxquels l’Etat a fait régulièrement face l’an dernier...La mauvaise qualité des réseaux et des services n’est donc pas du simple fait des opérateurs. Voilà pourquoi, en tant que régulateur, c’est-à-dire juge, arbitre et gendarme du secteur, nous prenons toujours le soin de considérer tous les paramètres, d’observer tous les contours de la question avant de trancher.

L.D.B.: Pensez-vous que ces contre-performances constatées aient été la cause de la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs ?

Y.C.: En effet, le revenu du secteur de la téléphonie mobile, en ce qui concerne ses parties voix et SMS, subit depuis l’année 2015 une baisse du chiffre d’affaires. Cette baisse qui s’est poursuivie en 2017, soit 15,56 % par rapport à l’année 2016, est consécutive à la baisse du trafic international et du trafic off net du fait de l’utilisation des réseaux sociaux pour écouler le trafic voix et SMS et la conjoncture économique difficile que traverse notre pays. Toutefois, l’essor de la Data dont le produit a connu une croissance de 14,75% en 2017 a permis de limiter la baisse du revenu du secteur des communications électroniques. Dans nos missions de promotion des secteurs régulés et protection des intérêts des différentes parties prenantes, nous étudions des pistes de solutions devant permettre aux opérateurs, et par ricochet au gouvernement, de ne pas être les perdants dans ce business.  

L.D.B.: Une recommandation a été faite à l’ARPCE d’améliorer la communication sur le service 5050 dédié aux consommateurs. Que peut-on espérer de ce service dans les prochains jours ?

Y.C.: La recommandation de la tutelle est d’intensifier la communication autour du 5050. Cette recommandation est une preuve de l’efficacité du service 5050, vu l’importance du centre d’écoute des consommateurs pour le service public qu’est l’ARPCE. Nous communiquons déjà sur cet outil et cette année, nous allons mener une communication encore plus large, afin de permettre à tous nos compatriotes, dans les différentes localités du pays, d’être au courant de leurs droits en tant qu’usagers des services des postes et des communications électroniques. Ce sont des actions que nous avons inscrites dans notre plan de travail 2018. Nous encourageons tous les consommateurs des services postaux et des communications électroniques et leurs associations à joindre le 5050 quand ils se sentent lésés dans leurs droits. Le 5050, c’est plus qu’un simple numéro, c’est un service qui promeut les droits des consommateurs.

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Yves Castanou

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