Les Dépêches de Brazzaville



Belgique : lancement du premier congrès de la chaire Mukwege


Le congrès qui se termine ce 15 novembre réunit des scientifiques de tous horizons ainsi que des ONG et associations actives sur le terrain. Il se tient sur le thème « Comment donner un avenir aux femmes et aux enfants victimes de violences sexuelles dans les conflits ? ».  Son comité scientifique est présidé par la Pre Adélaïde Blavier, directrice du centre d’expertise en psycho-traumatismes et psychologie légale de l’université de Liège, auquel est attachée la Chaire.

Durant deux jours, les différentes conférences qui s'y déroulent vont revisiter les quatre piliers de la prise en charge holistique développée à Panzi par le Dr Denis Mukwege et son équipe : pilier médical, psychologique, juridique et socio-économique. « Au-delà de la force de notre colère et de la conviction en la justesse de notre engagement, notre sollicitude envers nos victimes nous invite aussi à asseoir nos démarches thérapeutiques sur des bases scientifiques. Ces pratiques, fondées sur des évidences scientifiques , renforceront notre autorité de parler de ces questions. Cette légitimité scientifique nous permettra de renforcer notre plaidoyer et permettre à tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir à s'impliquer pour induire un changement systémique et positif. Sans base scientifique, nous peinerons à convaincre », a déclaré le Dr Denis Mukwege dans son discours. Il a fait savoir que ce congrès est un « événement exceptionnel » qui a vocation à constituer un tournant important sur le parcours de prise en charge des victimes de violences sexuelles.

Un « guichet unique » pour les victimes

Tout en rappelant la stratégie de prise en charge reposant sur quatre piliers mise en place à l'hôpital de Panzi, le Dr Mukwege a précisé que ce modèle holistique est confidentiel et centré sur la personne et qu'il se cristallise dans un guichet unique appelé « One stop center ». Ce dernier permet à la victime de violences de trouver, au même endroit, des réponses à ses problèmes médicaux, psychologiques, juridiques et socio-économiques. A cet effet, a-t-il expliqué, la victime est accompagnée par une assistante psycho-sociale appelée « Maman chérie » et n'aura besoin de raconter son histoire qu'une seule fois. Le Dr Denis Mukwege a précisé que l'hôpital de Panzi et la fondation du même nom ont également développé des protocoles et mené des études sur des formes thérapeutiques inspirées des traditions ancestrales, notamment la thérapie par la danse.

Faible réponse du système judiciaire

Abordant la question de la prise en charge juridique, Denis Mukwege a estimé que si la soif de la justice est immense chez les personnes victimes de violences et principalement les femmes, la réponse du système judiciaire est néanmoins très faible, car, a-t-il déploré, les viols commis en temps de conflit restent les crimes les moins condamnés dans l'histoire et dans le monde.

Ce dernier a estimé qu' à l'issue du congrès, les participants devraient poser des questions pertinentes par apport au modèle holistique de prise en charge mis en place à Panzi et, pour chaque pilier, l'analyser, l'évaluer, émettre des hypothèses par rapport aux questions posées, les vérifier, trouver des failles et les combler pour faire évoluer les actions au bénéfice des patientes.

La chaire Mukwege a été créée en septembre 2018 à l’initiative de la professeure émérite Véronique De Keyser, docteur en psychologie, ex-députée européenne et présidente de l’association «Les enfants de Panzi et d’ailleurs». Elle a eu l’idée de créer cette chaire en 2015 lorsqu’elle s’est rendue à l’hôpital de Panzi pour observer le travail du Dr Mukwege. Au cours de son séjour, elle avait notamment assisté à l’opération d’un bébé de huit mois, victime de violences sexuelles. Le Dr Mukwege lui avait posé la question de savoir quels souvenirs allait avoir le bébé de cette expérience en grandissant. Véronique De Keyser n’avait pas pu répondre à la question . C’est ainsi qu’est née l’idée de la chaire, un moyen de mieux connaître les conséquences, mieux prévenir le phénomène et mieux le guérir.

La chaire Mukwege de l'université de Liège vise à développer les recherches interdisciplinaires dans le domaine des violences sexuelles à l’égard des femmes et à fédérer sur cette thématique les connaissances de différents partenaires et universités en Belgique et dans le monde. L’objectif est de créer un réseau international de recherches sur le thème des violences sexuelles subies par les femmes en situation de conflits. Dans cette optique, la chaire s’est ouverte à différentes universités qui ont déjà accueilli le Dr Denis Mukwege, notamment celles qui lui ont décerné un titre de docteur honoris causa.


Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

1 et 2- Le Dr Mukwege et la reine Mathilde pendant la cérémonie d'ouverture 3- Le Dr Mukwege pendant son discours Photo 4- Véronique De Keyser, Adélaïde Blavier, le Dr Mukwege et Françoise Tulkens, ancienne magistrate de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, lors de la conférence de presse avant l'ouverture du congrès