Les Dépêches de Brazzaville



CAN 2015 : le match de Daniela, seule contre tous !


Privés d'écrans géants publics et de télévision dans les nganda, fermés samedi dernier dès 16 heures par mesure de sécurité, Daniela avait décidé de suivre chez des amis du quartier Tchimbamba les 1/4 de finale de la CAN dans ce duel fratricide entre les deux Congo. Née à Kinshasa, cette jeune fille de 18 ans à peine, vêtue d'une robe Léopard de circonstance, semblait seule contre tous dans une ambiance vert jaune rouge explosive où casiers de Ngok' et Primus étaient arrivés en brouette bien avant l'heure du coup d'envoi !  

Supportrice de la RDC, Daniela n'a pourtant aucun souvenir de l'autre rive qu'elle a quittée lorsqu'elle n'avait que deux ans. Une enfance passée à Pointe Noire au quartier Fouks, appelé le quartier des Zaïrois, des études brillantes, une passion pour la mode… Le football ? "Il doit rester un jeu", dit-elle, même si son coeur bat au plus fort pour les couleurs de son pays. ! À l'heure de "La Congolaise" reprise en choeur, bras levés et mains sur la poitrine, par quelques trente amis entassés dans le modeste salon d'une cabane en planches, Daniela, presque gênée, s'est faite toute petite et silencieuse au fond du canapé.

Si la première période, conclue par un 0-0, reste familiale, la seconde va naturellement s'animer avec l'ouverture, puis l'aggravation, du score par Doré imité quelques minutes plus tard par Bifuma ! Le salon est devenu presque désert, ses amis sont déjà dans la rue à fêter prématurément une victoire qui ne peut plus échapper aux Diables Rouges tandis que Daniela se sent de plus en plus seule dans son canapé devenu beaucoup trop grand pour elle ! Pourtant la native de Kinshasa, au milieu des chants et danses qui secouent la cabane, continue d'espérer et c'est presque à voix basse qu'elle confie que rien n'est joué encore : " Le match n'est pas fini, il reste une grosse demie heure" ! Effectivement, 3 minutes se sont écoulées et, déjà, la réduction du score vient  jeter un froid dans la pièce et, par la même occasion, une nouvelle lueur d'un espoir plus grand dans les yeux de la jeune fille…

Les Dieux du ballon semblent donc avoir changé de camp et, à deux partout, Daniela, grand sourire à la bouche, a serré ses poings, les a agités dans l'air surchauffé, sans laisser éclater sa joie, comme pour respecter la consternation générale ! Et lorsque les Léopards prennent l'avantage par Kimwaki et achèvent quelques instants après tous les espoirs du Congo Brazzaville par un quatrième but, la jeune fille console intelligemment les fidèles supporters des Diables Rouges aux visages défaits : "Aujourd'hui la RDC a gagné, ne soyez pas trop déçus, mon pays représentera les deux Congo pour cette CAN, nous ne sommes qu'un seul peuple et nous nous devons de nous aimer". Fair-play, les amis du quartier de Tchimbamba, bien qu'abattus par la déception, ont félicité chaleureusement Daniela pour cette victoire renversante tandis que Régis, hôte des lieux, a conclu par ses mots : "Nous espérions aller plus loin et pourquoi pas jusqu'au bout, nous sommes désormais supporters des Léopards, nous devons les soutenir contre les Éléphants" ! 

En dépit de nouveaux supporters inattendus et du pont de fraternité dressé au dessus du fleuve Congo par Daniela et ses amis ponténégrins, les hommes de Florent Ibengue, opposés mercredi soir à la Côte d'Ivoire se sont hélas inclinés en 1/2 finale de la CAN. Le sourire comme la robe léopard de Daniela se sont légèrement froissés et les rêves de finale envolés. Pour autant, résonnent encore dans l'air de la ville océane ces mots qui nous disent que le football doit rester un jeu, unifiant les peuples autour d'une même passion, ce qu'ont oublié une partie des supporters Equato-Guinéens  dans la seconde demie finale contre le Ghana.


Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Daniela, seule contre tous; (Crédits photo: Philippe Edouard)