Les Dépêches de Brazzaville



Centrafrique : un ex-chef de guerre extradé vers la CPI


Ce député, ex-chef rebelle visé par des sanctions de l’ONU, avait été arrêté le 29 octobre après avoir tiré deux coups de feu en pleine Assemblée nationale. Il aurait voulu manifester ainsi son mécontentement après l'élection du nouveau président de l'Assemblée nationale, Laurent Ngon-baba, en remplacement de Karim Meckassoua, destitué. Proche de ce dernier, Yekatom avait voté pour son maintien.

« On ne connaît pas encore les charges, elles sont sous scellés. Mais il est vraisemblable qu’il soit accusé de meurtres, pillages et recrutement d’enfants soldats, constitutifs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité », estime Pierre Brunisso, qui dirige le bureau local de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH).

La République centrafricaine a connu plusieurs périodes de troubles depuis son indépendance en 1958. Mais dans son histoire tourmentée, rien ne ressemble à la crise de 2013-2014 émaillée d’innombrables massacres intercommunautaires au nom d’une scission entre chrétiens et musulmans qui n’avaient jamais existé auparavant. Et c’est au cours de ces évènements tragiques qu’Alfred Yekatom se fait connaître sous le surnom de « Caporal Rambo ».

« Sous sa tutelle, ses éléments ont semé la terreur, depuis Bangui jusque dans le sud-ouest du pays », s’est souvenu Pierre Brunisso de la FIDH, organisation qui depuis 2013 a longuement enquêté sur les exactions commises par cet ancien caporal, qui devient chef de milice lorsque le destin du pays bascule fin 2013. En réaction à la prise du pouvoir en mars 2013 d’une coalition rebelle, la Seleka, venue du nord du pays, des groupes d’autodéfense prennent à leur tour les armes à l’automne suivant. Ce sont les anti-balaka. Mais loin de se limiter à combattre les forces de la Seleka, coupables de nombreuses exactions, ils sèment eux aussi la terreur et ciblent très vite la minorité musulmane, tout entière suspectée de «complicité» avec les rebelles venus du nord musulman.

C’est durant cette période confuse et meurtrière que le caporal Rambo assoit son pouvoir. Il contrôle alors non seulement la plus importante milice anti-balaka de la capitale, implantée au sud de la ville ainsi que dans sa périphérie, mais règne également sur l’axe qui va de Bangui à la petite ville de Mumbai, (kilomètres plus au sud). À cette époque, il semble inattaquable. Et bénéficie de nombreux soutiens.

Reste que le 20 août 2015, les Nations unies l’inscrivent sur la liste des personnes qui « compromettent la paix, la stabilité et la sécurité en RCA » et imposent aussitôt des sanctions contre lui. Mais les sanctions de l’ONU et les enquêtes de la FIDH comme celles de la CPI n’ont jamais semblé l’intimider.

« Reste qu’en l’envoyant à La Haye, la CPI et le gouvernement envoient un message fort : Il n’y aura plus d’impunité. Et ce geste intervient au moment où les groupes armés qui tiennent encore 80% du pays demandent l’amnistie pour entrer dans le processus de paix », s’est réjoui Pierre Brunisso.

Son extradition vers la CPI intervient alors que le centre et l’ouest de la Centrafrique sont le théâtre de violences meurtrières depuis plusieurs jours. Dans le centre, des combats entre groupes armés ont fait au moins 37 morts jeudi, et dans l’ouest un Casque bleu a été tué le lendemain. L’identité des assaillants n’est pas connue, mais la zone où l’attaque a eu lieu est aussi une région où est très présent, depuis le début de l’année, le groupe armé Siriri.

Les affrontements qui opposent ce groupe, composé en majorité d’éleveurs peuls, et les Casques bleus sont fréquents. C’est d’ailleurs là aussi qu’a été mortellement blessé un autre Casque bleu en juin dernier.


Yvette Reine Nzaba