Les Dépêches de Brazzaville



CHU-B: Sylvain Villiard peut-il réussir?


Un grand « malade » en attente de soins intensifs : c’est ce regard que projette dans l’imaginaire collectif le CHU-B, revenu au cœur de l’actualité ces derniers jours avec l’entrée en fonction, le 16 avril, de son nouveau directeur général, le Canadien Silvain Villiard. Et l’on se demande quel miracle cet avocat de formation, gestionnaire crédité, entre autres, du succès du projet de modernisation du Centre hospitalier universitaire de Montréal, accomplira-t-il pour remettre sur pied le plus grand établissement sanitaire du Congo.

Les Congolais parlent beaucoup et ne se sont pas privés de crier à la mauvaise solution, lorsque le nouveau directeur général avait été promu à son poste, le 7 janvier dernier, par décret présidentiel. On les a entendus dire qu’il est « honteux » qu’un étranger soit préféré à des fils du pays pour gérer une structure d’une telle importance qui plus est se trouve implantée sur le territoire national ; que ce dernier monterait vite les enchères quant à sa rémunération et contribuerait ainsi à grever encore un peu plus les « modiques » revenus de la maison. Ils admettaient par contre, ces mêmes Congolais, le fait que, finalement, les fils (filles) du pays eux-mêmes sont à l’origine de la mauvaise gouvernance de leur plus grand hôpital.

Problèmes connus

Car globalement, le CHU-B c’est à la fois un personnel qualifié, disponible, qui fait ses preuves dans les difficultés du quotidien, mais aussi des effectifs que l’on dit pléthoriques, voire difficiles à maîtriser ; ce sont les pannes d’ascenseurs et les ruptures fréquentes d’approvisionnements en oxygène, en médicaments, en poches de sang ; la vétusté ou le déficit d’équipements techniques dignes de son statut ; un accueil jugé en deçà des attentes des patients ; la délocalisation des examens médicaux  chez des privés dont certains évoluent régulièrement en son sein ; l’entretien des jardins à des coûts vertigineux ; une avalanche de sous-traitances qui, tout en plombant les budgets de l’hôpital, dénote un activisme de lobbies invisibles ; c’est l’encombrement des espaces verts et des couloirs par des attroupements de gardes-malades, et quand on écoute parler les syndicats, le CHU-B serait aussi miné par la propension de ses administrateurs successifs à en profiter pour eux-mêmes au détriment de l’intérêt général.

Ces dysfonctionnements ont provoqué de longs mois de grève et une succession de nominations à la tête de l’établissement pour enfin de compte se résumer au constat posé plus haut : le CHU-B a besoin d’une bonne prise en main pour rayonner à nouveau.

Sylvain Villiard est-il en mesure de relever ce défi ? : « Nous sommes là pour aider à la gouvernance, la gestion et préparer à la formation pour assurer à l’ensemble de la population et particulièrement aux patients des soins de qualité », déclarait le nouveau directeur général du CHU-B, lors de sa prise de fonction. Il lui faudra les moyens de sa politique et peut-être a-t-il retardé sa venue à Brazzaville pour obtenir le minimum qui lui permet de démarrer. Dans le moment présent, la crise économique que connaît le Congo ne peut que poser quelques handicaps quand on sait que cet établissement à budget de transfert a besoin chaque fois de l’assistance de l’Etat pour souffler. D’où l’impérieuse nécessité de gérer au mieux les ressources humaines, les budgets qui seront mis à sa disposition ainsi que les recettes générées par ses prestations.

Vieilles habitudes

Ajoutons un phénomène ancien dans le fonctionnement de nos hôpitaux en général : bien souvent, les dons de médicaments et de matériels versés par des partenaires tiers et même par le gouvernement, prennent des destinations autres que celles préalablement déterminées. Dans les couloirs, quelques personnels de santé vous forcent parfois de vous procurer le produit pharmaceutique auprès d’eux dans les conditions qui ne vous laissent que peu de choix. S’il s’emploie à bannir ces pratiques décriées de longue date, Sylvain Villiard pourrait-il être entendu ? S’il décide des sanctions contre des collaborateurs qui perpétueront la gabegie, sera-t-il écouté ? On ne peut répondre à ces questions pratiques sans le voir à l’œuvre.

La nouvelle équipe étant en contrat pour trois ans, on pourrait dans les cent prochains jours savoir si la perfusion administrée à notre illustre « patient », le CHU-B, produit ses effets. Dans ce cas, la décision de faire appel à une expertise étrangère aurait donc été la plus judicieuse, les longues années d’une gestion particulièrement critiquée de cette structure sensible ayant poussé les Congolais qui la veulent performante à se montrer attentifs et exigeants.


Gankama N'Siah

Légendes et crédits photo : 

L'un des bâtiments du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville