Les Dépêches de Brazzaville




Couleurs de chez nous. Brazza la sonore !


Elle s’était vu attribuer une appellation écologique de « Brazza la verte » en raison des arbres qui dominaient ses artères et avenues et de bien d’autres espèces fruitières que l’on trouvait dans ses différents quartiers.

Aujourd’hui, Brazzaville ploie sous de diverses immondices, des déchets plastiques et autres carcasses de voitures et véhicules. Ce n’est pas tout car, à ce défi environnemental s’est ajouté un autre à la fois sociétal et culturel : le vacarme.

En effet, de Mpila à Makazou, de Mayanga à Ngamakosso en passant par Batignolles, la Poudrière, Moukondo jusqu’à Mikalou, le constat est net sur le vacarme qui monte dans Brazzaville.

Premiers indexés : les voitures et véhicules aux moteurs tonitruants soit par le fait de leur âge avancé, soit par passion pour le bruit comme ces jeunes motards qui défont les tuyaux d’échappement de leurs engins pour produire un vacarme sur leur passage. Non contents de rouler silencieusement quand le moteur est bon, les conducteurs passent leur temps à klaxonner soit pour demander un passage, soit pour saluer un copain si ce n’est pour distraire les passagers.

Dans cette course pour la production du vacarme, les chargeurs et contrôleurs de bus rivalisent avec les vendeurs et fidèles d’églises. Les premiers commencent leurs journées aux premières heures pour les terminer vers 23 h en jouant de la gorge pour situer le passager sur les itinéraires tout comme les vendeurs qui écument les rues dans une déclamation continuelle de produits. Manquant de gorge ou de voix, ils recourent aux haut-parleurs. Les derniers de cette catégorie, les fidèles de Dieu, sont de grands actionnaires dans cette industrie du vacarme. Dans une ville où les veillées de prière sont aussi permanentes et répandues que les veillées mortuaires, tous les instruments de sonorisation sont mis en branle pour « réveiller » le mort ou pour implorer l’Eternel. N’est-ce pas que prier rime avec crier ? Peut-être parce que Dieu est loin pour entendre !

Jadis au cœur du processus, les bars-dancing sont devenus l’ombre d’eux-mêmes, noyés par les églises qui leur ont tout ravi : bâtiments, adeptes, matériel et nuisance sonore. Descendus dans la rue, officiellement pour exercer dans le téléchargement de la musique et des films, les jeunes ont reçu cette onction de jouer la musique en plein air, laissant les décibels aller jusqu’au bout.

Difficile alors dans un éternel vacarme de bien converser ni directement ni par voie téléphonique. Résultat : les Brazzavillois parlent désormais en criant quand bien même l’interlocuteur serait à moins d’un mètre. C’est encore pire au téléphone avec la gestuelle qui accompagne souvent la communication. Ils affectionnent tellement le bruit au point qu’un rappel pour la mise sous mode silencieux leur est toujours fait lors des réunions officielles. Hélas !

Dans cette compétition, la police, les ambulances et les sapeurs-pompiers sont déclassés ou effacés alors que le monopole du vacarme légitime leur revient dans les grandes villes. Au contraire, chez nous, leurs sirènes sont rarement entendues et il n’est pas étonnant de voir des particuliers rouler avec gyrophare ou sirène.

Van Francis Ntaloubi