Les Dépêches de Brazzaville




Couleurs de chez nous. Caïman ou éléphant ?


Les Congolais eux-mêmes et les visiteurs de leur pays ont dû faire le constat sur la diversité des bières sur les tables et dans les bars. Difficile aujourd’hui de pronostiquer sur le goût de chacun d’eux en matière de boissons. Il n’est pas exagéré de chiffrer à quinze les variétés les plus consommées sans compter bien d’autres qui s’invitent opportunément à nos apéritifs.

Dans la pratique, et pour imager, s’ils sont dix Congolais assis sur la table, il est possible d’y trouver dix « goûts » de bières. Est-ce parce que l’offre est florissante ou parce que la curiosité guide ce peuple ?

Petit retour dans le passé. Il y a trente années et plus, les Congolais avaient le choix entre deux ou trois noms de bières. Deux d’entre elles étaient reconnues pour l’une comme la bière du pays et pour l’autre comme la fierté ou le goût du Congo. Puis une troisième avec un embout cerné par une un nœud tricolore qui rappelle le lien historique entre le Congo et la France. Car ladite bière est bien de ce pays-là.

Une bouteille aux allures féminines au point que, chez nous, elle était considérée comme la bière des femmes. Ceci, avant que la « Spéciale », une variété congolaise identifiable par l’image d’un lion (c’eût été mieux une lionne !) ne vienne la rivaliser. Quoi qu’il en fût, pas plus de cinq goûts ne trônaient sur la table des Congolais. 

Cette ère de monopole et de contrôle d’entrée libre des produits au Congo étant révolue et le pays ayant opté pour le libéralisme, les commerçants y vont, chacun, de leurs capacités financières et de leur entregent pour introduire diverses variétés de bières au pays et multiplier les goûts des consommateurs.

C’est en cela que l’actualité, en cette fin d’année, nous renvoie le goût de la bière car gagnée par une espèce d’overdose. Allusion ici à la mesure prise par les services du commerce et de la consommation d’interdire certaines bières qui auraient envahi le territoire et vendues comme des bouts de pains.

Pour revenir à l’essentiel de cette chronique, il s’agit de souligner l’instabilité de goûts désormais chronique chez les Congolais. La même personne qui la veille était à la bière blonde peut, le lendemain, basculer vers la brune. Affaire de couleurs ! Puis une semaine plus tard changer et aller vers une « classe » donnée comme savent le faire les stars.

Celui-là qui, hier était convaincu par le goût du caïman ou du crocodile de nos fleuves et rivières a vite fait de changer d’opter pour l’éléphant bien que l’espèce soit protégée. Des noms d’animaux que portent quelques bières de chez nous même si c’est en langue lingala.

Au milieu de cette course aux goûts les plus exquis, il y a ces consommateurs considérés comme des conservateurs. Eux, c’est leur bière blonde  protégée par une bouteille brune.

Pour terminer, bien d’observateurs pensent que les Congolais n’ont pas de goûts parce qu’il n’y pas une bière qui les unit. Aux sociologues de nous répondre !

Van Francis Ntaloubi