Les Dépêches de Brazzaville




Couleurs de chez nous. Scoop !


« Nouvelle importante donnée en primeur ou en exclusivité par une agence de presse. »  Telle est la définition que donne le dictionnaire Le Grand Robert du mot qui fait l’objet de nos couleurs de la semaine.

Dans le monde de la presse et des médias, diffuser une information capitale avant les autres est si important que les journalistes rivalisaient d’ardeur pour être les premiers sur les faits. Il fallait de l’entregent. Et même davantage. Décès d’une notoriété, crash d’avion, coup d’Etat, divorce ou mariage des célébrités, démission ou limogeage d’une sommité, etc., la nouvelle diffusée devait conjuguer les aspects primeur et insolite.

C’est cette doctrine que les Congolais ont héritée. Mais, à l’ère des réseaux sociaux,  elle fait plus de ravages qu’elle n’éclaire l’opinion. Cette soif d’être le premier à informer les autres pousse le peuple de mon pays à ne plus rien vérifier. L’information est relayée sans même qu’elle ne soit vérifiée. On était même plus prudent avec le fameux « poisson d’avril » qu’on ne l’est avec les fausses informations relayées par les réseaux sociaux.

On ne se préoccupe plus d’étouffer une bagarre car elle est une occasion de filmer et de diffuser une vidéo insolite. Tant pis pour vous si vous vous livrez à une querelle dans la rue. Un accident se produit, le réflexe est dans la prise de vues que dans le secours qu’attendent les victimes. C’est peu dire.

Pour qui connaît les Congolais, ce comportement n’est pas né avec les réseaux sociaux. Ils sont réputés dans  le colportage des nouvelles et, surtout, de fausses informations. A-t-il assisté à une dispute entre un couple qu’il s’en va propager la nouvelle à toutes celles et ceux qu’il rencontre quand bien même ses interlocuteurs n’auraient aucun lien avec les personnages cités dans le récit. Cet entrain à diffuser les informations à tous vents et sans les vérifier a un nom : « songi-songi ».

L’avènement des portables androïdes, smartphones et autres n’a fait que réduire le temps de diffusion pour les colporteurs qui, jadis, étaient contraints d’aller d’un quartier à un autre pour informer. Désormais, assis sur sa chaise en plastique, ce « professionnel de l’information » peut jouer avec le clavier de son téléphone pour tout envoyer à ses correspondants vivant à des milliers de kilomètres.

Cette passion du «scoop » va plus loin. Certaines attitudes ont l’allure de l’espionnage. Il y en a qui se permettent des enregistrements de discussions vulgaires pour diffuser aux amis. Sans intention parfois de nuire sauf celle de se donner un rôle. Les intimités de couples sont les plus prisées. Et que dire des bruits de chambre (gémissements et roucoulements) que l’un des acteurs enregistre à l’insu de l’autre !

Nous voici en pleine transition vers la négativité, car les vices dominant sur les vertus, les honnêtes gens sont honnis. De l’explosion rêvée des médias, on assiste à l’exposition tous azimuts. Chinua Achebe serait encore en vie que les réalités d’aujourd’hui lui auraient inspiré une réécriture de son célèbre roman : "Le monde s’effondre". 

Van Francis Ntaloubi