Les Dépêches de Brazzaville



Débat sur la Constitution : pour le sénateur François Soumbou, « le Kouilou n’a jamais donné mandat à personne pour aller distraire la très haute autorité de l’État »


Les Dépêches de Brazzaville : François Soumbou, que peut-on retenir de votre cursus scolaire et professionnel?

François Soumbou : Je suis François Soumbou, 75 ans, 4e fils d’une famille de huit enfants qui n’en compte plus que deux aujourd’hui. Après mon cycle scolaire primaire, je fus admis avec quatre autres élèves venant des deux écoles primaires publiques de la ville, au cours d’entrée en classe de 6e du Collège classique et moderne de Pointe-Noire qui nous a ouvert ses portes lundi 4 octobre 1954. Nous fûmes Missamou Jean Baptiste, ancien maire de Pointe-Noire décédé, Mahoungou Dieudonné, ancien ministre du Commerce, Taty Léon, ancien professeur d’anglais dans un collège de Pointe-Noire puis en France,  Jubelt Félicité, ancienne directrice d’école et moi, les cinq premiers élèves noirs dans cet établissement, avant qu’une trentaine d’autres jeunes noirs ne nous rejoignent un mois plus tard. Il faut noter que ce collège fut baptisé Collège Victor Augagneur en 1957 puis lycée du même nom en 1959. Après mes études secondaires, j’ai embrassé des études supérieures pour une formation dans les métiers des Eaux et forêts couronnée par un diplôme d’Ingénieur du bois. De retour au pays, j’ai servi dans l’administration forestière, respectivement aux fonctions de Chef de Service de la Brigade des  Recherches forestières du Centre technique forestier tropical, directeur technique de l’Office national des forêts, directeur de l’Office congolais des forêts, directeur de la Société nationale de transformation des bois. Je fus aussi syndicaliste jusqu’à ma retraite en 1995. Je suis marié, père de 7 sept enfants et grand père de onze petits fils.

LDB : C’est donc à l’issue de ce parcours que vous avez embrassé la politique ?

FS : En effet, c’est en 1990, lorsque le pays s’est ouvert au multipartisme, que j’avais décidé d’embrasser la politique, en adhérant au RDPS dont je fus le timonier au Kouilou, sept ans. Puis, je m’en suis retiré pour convenance personnelle, avant d’être recuperé par le président fondateur du MAR, Jean- Baptiste Taty Loutard, pour animer ce parti au Kouilou.

LDB: Depuis un an, les Congolais débattent sur la constitution du 20 janvier 2002. Ce débat porte notamment sur la révision ou le changement de celle-ci. Quelle est votre opinion personnelle sur la question ?

FS : Vous faites bien de parler d’opinion personnelle car en effet, il ne s’agit que de mon opinion personnelle, qui n’engage que moi. Alors, de grâce pas d’interprétation erronée. Aussi, en réponse à votre question, je voudrais vous dire que pour moi, ce débat est pour l’heure sans intérêt, car la Constitution elle-même donne la ligne à suivre pour son application. Mais, comme les Congolais aiment se livrer à la masturbation de leur intellect, je voudrais moi aussi stimuler le mien pour observer que, dans aucun de ses 191 articles, cette Constitution ne prévoit son changement. Connaît-on une constitution qui prévoit en avance son changement ? Au cas où elle le ferait, il faudrait considérer qu’elle met déjà en place les germes d’une instabilité des institutions. C’est pourquoi la Constitution du 20 janvier 2002 prévoit une révision de la loi, celle-ci obéït à des règles bien précises, à commencer par la principale, celle qui dispose que je cite : Article 185 : « l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement ». À ce que je sache, jusqu’à ce jour, ni le Président de la République, ni le parlement n’a pris une telle initiative. En tout état de cause, au cas où elle le serait, le projet ou la proposition y relatif devra être, avant tout, soumis à l’avis de conformité de la Cour constitutionnelle, puis à un référendum. Parler de changement de la Constitution dans notre pays où toutes les institutions sont en place et mieux, fonctionnent sans heurt, ni accroc, ne peut relever que de la malice intellectuelle. J’ai même entendu arguer quelque part que cette Constitution est caduque. Mais comment déclarer caduque une constitution grâce à laquelle notre pays a retrouvé la paix et la stabilité de ses institutions qui lui ont permis de réaliser des avancées significatives dans le cadre de son développement ?

LDB : Tout récemment, une délégation des sages du Kouilou s’est rendue à Brazzaville rencontrer le Président de la République pour lui demander justement de changer la Constitution. Que dites vous de cette initiative ?

FS : Vous savez, le sage c’est quelqu’un de circonspect, bien réglé dans ses mœurs et sa conduite. Et le sage du Kouilou n’échappe pas à ce comportement. Dès lors, il a un respect trop profond des institutions, particulièrement de l’institution présidence de la République et partant du président de la République, garant de la Constitution, pour qu’il se soit permis d’aller demander à ce dernier de procéder au changement de cette loi qu’il a « juré de respecter et de défendre tel qu’écrit en l’article 69 de la Constitution, premier alinéa ». De tels agissements relèvent d’un manque de sérieux de leurs auteurs. En tout état de cause, le Kouilou n’a jamais donné mandat à personne pour aller distraire la très haute autorité de l’Etat de cette manière-là.

LDB : Dans la même foulée, les mêmes sages étaient allés au secrétariat exécutif du Parti congolais du travail (PCT) pour signer la déclaration sur le changement de la Constitution initiée par ce parti. Quelle appréciation faites-vous de cette démarche ?

FS : À ce que je sache, cette déclaration est une affaire des partis politiques, membres du Rassemblement de la majorité présidentielle (RMP). S’il se trouve que des personnes autres que des chefs de ces partis sont allés la signer, j’appellerai cela de l’amalgame.

LDB : Avez-vous un dernier mot ?

FS : Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat a dit, dans son message de voeux de nouvel an à la nation, je cite « l’élection présidentielle, c’est en 2016 et les élections législatives en 2017. On a le temps de les voir arriver. Travaillons d’abord. Viendra après le temps des joutes électorales». Je crois que c’est à cela qu’il faut qu’on s’en tienne.

     


Hervé Brice Mampouya

Légendes et crédits photo : 

François Soumbou crédit photo"Adiac"