Les Dépêches de Brazzaville



Électricité : la réforme toujours au point mort


Dans sa dernière étude intitulée "Electricity accees in sub-Saharan Africa : uptaken reliability and complementary factors for economic impact", le Groupe de la Banque mondiale (BM) relance le débat sur l’électrification dans le continent africain. En effet, les chiffres sont effrayants : seulement 43 % des Africains ont accès à l’électricité, alors que le taux moyen est de 87 % dans d’autres régions du monde.

Dans sa réflexion très documentée, la BM identifie plusieurs causes à cette lenteur de l’électrification en Afrique : faible demande, incapacité des réseaux électriques à répondre à la demande, faible pouvoir d’achat des ménages, coûts exorbitants des frais de connexion, faible contribution des nouvelles technologies (compteurs intelligents, solutions de pré-payement de l’énergie, etc.), mauvaise stratification du tarif électrique ...

Pour la BM, il est illusoire de ne prendre en compte que la réalité des chiffres dans la problématique de l’électricité en Afrique. Le cas du Liberia illustre le mieux le paradoxe de ces chiffres. Plus de la moitié des foyers connectés au réseau électrique n’ont jamais eu finalement d’électricité. La situation est pire en Ouganda ou en Sierra leone, avec 30 % de foyers connectés.

Et que dire de la RDC ? Doté d’un potentiel hydroélectrique de 100 000 MW, capable d’éclairer sept cent quatre-vingts sites répartis dans cent quarante-cinq territoires et soixante-seize mille villages, le pays n’exploite en réalité que moins de 3 % de cette potentialité. Abordant la question de l’accès de manière plus pragmatique, une étude de la BM portant sur une vingtaine de pays de la région, dans le cadre du Living Standard Measurement Study, révèle que 57 % des ménages vivant dans les zones desservies par les réseaux nationaux sont effectivement connectés.

Un risque de désindustrialisation de la région

La première implication du déficit énergétique est bien entendu la désindustrialisation de l’Afrique. La baisse de l’offre en énergie traduit généralement un problème au niveau des investissements et de la maintenance. « Les analyses ont démontré que pour une augmentation de 1% de la fréquence des délestages, la production industrielle baisse de 3,3% et les revenus des entreprises de 2,7% » (Source : BM).

En RDC, la plus forte consommation en électricité se concentre dans les industries extractives de l’ex-Katanga et les grandes villes de l’ouest, particulièrement le Kongo central et la capitale, Kinshasa. Sur une demande estimée à environ 4 000 MW pour cette partie du pays, l’offre de la Société nationale de l’électricité (Snel) se situe à moins de 1 250 MW. Les pires projections des analystes n’excluent pas une cessation des activités de l’opérateur public si rien ne change.

Certes, l’arrivée des producteurs privés est une véritable aubaine. Mais pour l’heure, ils ne produisent encore qu’environ 500 MW, essentiellement issus des énergies renouvelables. On les retrouve, notamment, dans l’est et le sud du pays. Selon la Fédération des entreprises du Congo, ils pourront concurrencer la Snel d’ici trois à quatre années. Le pays doit penser à produire au moins 1 200 MW supplémentaires pour répondre rien qu’aux besoins des industries minières de l’ex-Katanga. 

 Des perspectives  

Les efforts des gouvernants devront se focaliser sur la fiabilité et la viabilité des réseaux électriques en Afrique. La stabilité de la fourniture électrique aura certainement une incidence sur la consommation et les investissements. La RDC a accumulé un certain retard sur la production de son Plan national d’électrification pour servir de référence aux politiques du secteur. En 2017, soutient la BM, seulement trente-cinq pays africains disposaient effectivement de leurs plans d’électrification approuvés au niveau national. La BM appelle à la mise en œuvre des stratégies nationales d’électrification pour maintenir le cap sur les objectifs de développement tant dans les zones urbaines que rurales.

Le défi de l’approvisionnement en électricité imposera forcément une approche plus complexe intégrant d’autres volets importants comme l’accès au marché et au service financier, tout en n’ignorant pas l’intérêt d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Un avis que partagent les producteurs privés congolais. Pour eux, le secteur énergétique exige également une main d’œuvre dotée de compétences techniques de haut niveau. Pour le cas précis de la RDC, des études sont à encourager pour constituer une base de données sur les capacités d’un site ou d’un autre. Il appartient à l’actuel pouvoir politique en place de poursuivre la réforme engagée depuis 2014 mais qui semble ne pas produire les effets escomptés, cinq ans après.


Laurent Essolomwa